Arrêt n˚ 115/2024
La Cour rejette partiellement les recours contre les lois instaurant un régime de protection des lanceurs d’alerte et pose trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’UE avant de répondre aux autres critiques
Plusieurs ordres professionnels et des particuliers demandent l’annulation des lois du 28 novembre 2022 et du 8 décembre 2022 qui instaurent un régime de protection des lanceurs d’alerte dans les secteurs privé et public respectivement. Ces lois visent à transposer la directive (UE) 2019/1937.
La Cour rejette une grande partie des critiques des parties requérantes. Elle juge que la loi du 28 novembre 2022, si elle est interprétée d’une certaine manière, ne viole pas les règles répartitrices de compétences. La Cour juge aussi que la loi du 8 décembre 2022 ne méconnaît pas les compétences du Roi et ne contient pas de délégation inconstitutionnelle au Roi. En outre, le législateur pouvait inclure dans les lois plus de domaines que ceux prévus par la directive (UE) 2019/1937. Le législateur n’a pas non plus méconnu le secret professionnel des avocats pour autant que les lois soient interprétées d’une certaine manière. Avant de se prononcer sur l’absence d’une exception pour les autres professions juridiques également tenues au secret professionnel, la Cour pose trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La Cour se prononcera sur ces critiques lorsque la CJUE aura répondu à ces questions.
Arrêt n˚ 107/2024
Il est inconstitutionnel que l’interdiction de recevoir des donations et des legs d’un résident d’un centre de soins résidentiels s’applique uniquement aux gestionnaires et au personnel de ce centre mais non au centre lui-même
L’article 909, alinéa 2, de l’ancien Code civil contient une interdiction pour les gestionnaires et les membres du personnel d’un centre de soins résidentiels de recevoir des donations et des legs d’un résident de ce centre de soins résidentiels. En réponse à une question préjudicielle de la Cour d’appel d’Anvers, la Cour juge qu’il n’est pas raisonnablement justifié que cette interdiction ne s’applique pas à l’égard du centre de soins résidentiels lui-même. Selon la Cour, les personnes morales aussi peuvent, via leurs représentants légaux, se procurer un avantage en abusant des relations de soins, de sorte qu’il faut également prévoir une protection au bénéfice des résidents de centres de soins résidentiels contre les actes du centre de soins résidentiels lui-même. Par conséquent, la Cour constate une violation du principe d’égalité et de non-discrimination.
Pour éviter l’insécurité juridique, la Cour maintient les effets pour les donations et les legs exécutés et clôturés, non contestés, avant la date du prononcé du présent arrêt.
Arrêt n˚ 105/2024
La Cour rejette les recours contre l’ordonnance bruxelloise qui permet aux communes de conclure un contrat où elles s’engagent, en échange d’une subvention régionale, à ne pas alourdir leur fiscalité qui a un impact sur l’économie
L’ordonnance du 1er décembre 2022 a pour objectif de créer un climat fiscal propice à l’activité économique en Région de Bruxelles?Capitale. Cette ordonnance permet aux communes bruxelloises de conclure avec la Région un contrat où, en échange d’une subvention, la commune s’engage en principe à ne pas alourdir la fiscalité communale ayant un impact sur le développement économique. La commune de Forest et la ville de Bruxelles demandent l’annulation de cette ordonnance.
La Cour rejette les recours. La Cour considère que la Région de Bruxelles?Capitale était bien compétente pour adopter l’ordonnance attaquée et que cette ordonnance ne viole pas le principe de l’autonomie communale. La Cour souligne en particulier que les communes ne sont pas obligées de conclure les contrats concernés, auquel cas elles conservent toute leur marge de manœuvre fiscale. La Cour juge ensuite que l’ordonnance attaquée ne viole ni le principe de la sécurité juridique, ni le principe d’égalité et de non-discrimination.
Arrêt n˚ 102/2024
Les dispositions législatives qui empêchent que l’enfant issu d’un don obtienne du centre de fécondation la moindre information concernant le donneur de cellules reproductrices sont inconstitutionnelles
Deux dispositions législatives empêchent que le centre de fécondation transmette la moindre information concernant le donneur de cellules reproductrices à l’enfant qui a été conçu grâce à ce don. Le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles demande à la Cour si ces dispositions sont compatibles avec le droit au respect de la vie privée et familiale.
La Cour juge que ces dispositions sont inconstitutionnelles en ce qu’elles accordent une priorité absolue aux intérêts du donneur, au détriment de ceux de l’enfant conçu. Elles privent en effet de manière absolue les personnes qui ont été conçues grâce à un don anonyme de toute possibilité de connaître leurs origines par l’intermédiaire du centre de fécondation. La Cour maintient toutefois les effets de ces dispositions jusqu’à l’entrée en vigueur d’une législation nouvelle et au plus tard jusqu’au 30 juin 2027 inclus.
Arrêt n˚ 99/2024
Il est discriminatoire qu’avant 2023, l’obligation de délivrer gratuitement les documents sociaux dans le cadre d’une faillite s’appliquait uniquement aux secrétariats sociaux et pas aux prestataires de services sociaux non agréés
Lorsqu’une entreprise fait aveu de faillite, son secrétariat social doit fournir gratuitement au curateur certains documents relatifs aux travailleurs. Avant une loi du 7 juin 2023, cette obligation ne s’appliquait pas aux prestataires de services sociaux qui ne sont pas agréés comme secrétariats sociaux. Un litige soumis à l’ancienne réglementation oppose les curateurs d’une faillite et un secrétariat social qui demande à être payé pour les documents concernés. Répondant à deux questions préjudicielles posées par la Cour d’appel de Mons, la Cour constitutionnelle relève que l’obligation de délivrance gratuite vise à préserver les droits des travailleurs, à faciliter le travail du curateur et à prévenir le risque d’abus. Selon la Cour, il est discriminatoire qu’avant la loi du 7 juin 2023, cette obligation ne s’appliquait pas aussi aux prestataires de services sociaux non agréés. De plus, la Cour juge qu’il est discriminatoire que cette obligation s’applique uniquement lorsque la faillite a été ouverte sur aveu et pas aussi lorsqu’elle a été ouverte sur citation.
Arrêt n˚ 97/2024
La Cour rejette en partie les recours contre la nouvelle loi sur les communications électroniques et pose plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne avant de répondre aux griefs restants
Plusieurs organismes et associations ainsi que des particuliers demandent l’annulation de la nouvelle loi du 20 juillet 2022 relative à la conservation des données en matière de communications électroniques. Cette loi s’inscrit dans le prolongement de la loi du 29 mai 2016, qui avait un objet similaire et qui avait été annulée par la Cour. Les critiques des parties requérantes concernent différents aspects de la nouvelle loi et la compatibilité de celle-ci avec le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel.
La Cour rejette une partie importante de ces critiques, compte tenu du cadre établi par le législateur et des garanties qu’il a prévues. Concernant les communications couvertes par le secret professionnel, la Cour indique que la loi doit être interprétée d’une certaine manière. En ce qui concerne la conservation des données de trafic et des données de localisation, la Cour pose plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La Cour statuera sur les griefs restants une fois que la CJUE aura répondu aux questions.
Arrêt n˚ 87/2024
Il est discriminatoire que les profits des indépendants qui, en raison d’un litige, ont été perçus après expiration de la période imposable à laquelle ils se rapportent, ne soient pas soumis à un taux d’imposition distinct
Le Code des impôts sur les revenus 1992 prévoit que, lorsqu’un travailleur salarié perçoit une rémunération, en raison de l’existence d’un litige, après l’expiration de la période imposable à laquelle cette rémunération se rapporte, cette rémunération ne s’ajoute pas aux revenus de l’année où le paiement a eu lieu (ce qui impliquerait un surcoût fiscal résultant du caractère progressif de l’impôt), mais elle est soumise à une imposition distincte. Une juridiction demande à la Cour s’il est discriminatoire que les travailleurs indépendants qui se trouvent dans une situation analogue ne bénéficient pas de ce mécanisme.
Selon la Cour, il n’est pas raisonnablement justifié d’exclure de ce mécanisme les profits des travailleurs indépendants lorsque le retard de paiement résulte d’un litige et ne leur est pas imputable. Ces profits doivent dès lors être soumis à une imposition distincte.
Arrêt n˚ 84/2024
La Cour rejette le recours contre l’ordonnance bruxelloise qui réforme le secteur des établissements pour aînés, pour autant que le droit de visite des agents d’Iriscare soit interprété d’une certaine manière
Une ordonnance de la Commission communautaire commune (COCOM) du 15 décembre 2022 réforme le secteur bruxellois des établissements pour aînés (maisons de repos, habitations pour aînés, etc.). L’ASBL Femarbel demande l’annulation de plusieurs dispositions de cette ordonnance.
La Cour rejette le recours. La Cour considère que la COCOM était bien compétente pour adopter l’ordonnance attaquée. Selon la Cour, le droit pour les agents d’Iriscare de visiter les établissements pour aînés doit être interprété de manière à ce que le droit au respect de la vie privée et l’inviolabilité du domicile soient garantis. Par conséquent, la visite d’un local habité n’est possible qu’avec l’accord du résident. S’il s’agit en revanche d’un local professionnel, alors la visite du local est possible avec l’accord du gestionnaire, ou sans son accord si plusieurs conditions sont remplies. Enfin, la Cour juge que les modifications du système d’autorisations pour pouvoir exploiter un établissement pour aînés ne violent pas la liberté d’entreprendre et ne sont pas discriminatoires.
Arrêt n˚ 67/2024
La Cour pose plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne concernant le plafond sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité
La loi du 16 décembre 2022 prévoit un plafond provisoire sur les recettes issues du marché des producteurs d’électricité. Ce mécanisme vise à faire contribuer les entreprises du secteur de l’électricité qui ont réalisé des bénéfices considérables en raison de la crise de l’énergie et de l’augmentation des prix depuis le début de l’année 2022, et ce, afin de soutenir les ménages qui en subissent les conséquences. Par cette loi, le législateur entend mettre partiellement en œuvre le règlement (UE) 2022/1854. Plusieurs producteurs d’électricité et un certain nombre de fédérations sectorielles demandent l’annulation de cette loi.
Pour pouvoir statuer sur les critiques soulevées dans les recours, la Cour pose d’abord quinze questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
Arrêt n˚ 62/2024
Il est discriminatoire qu’à la fin de la cohabitation, les ex-cohabitants légaux ne bénéficient pas d’un mécanisme d’attribution préférentielle du logement familial comme celui qui existe pour les ex-conjoints en cas de divorce et que la victime de violences conjugales ne bénéficie pas de l’attribution prioritaire du logement familial si le ministère public a mis en œuvre la procédure de « médiation et mesures » et si cette procédure aboutit
En cas de divorce, les ex-conjoints peuvent demander l’attribution préférentielle du logement familial. Le juge statue sur cette demande en fonction des intérêts de chacun. Par ailleurs, le logement familial doit être attribué en priorité à l’ex-conjoint victime de violences conjugales si l’autre conjoint a été reconnu coupable par une décision pénale définitive. La Cour est interrogée sur l’absence d’un régime similaire pour les ex-cohabitants légaux. Elle est aussi interrogée sur l’impossibilité pour l’ex-conjoint ou l’ex-cohabitant légal victime de violences conjugales de bénéficier du droit à l’attribution prioritaire du logement familial si le ministère public a mis en œuvre la procédure de « médiation et mesures » et si cette procédure aboutit.
Selon la Cour, il n’est pas raisonnablement justifié que les ex-cohabitants légaux ne puissent pas demander l’attribution préférentielle du logement familial à la fin de la cohabitation légale. Il appartient au législateur de prévoir un tel régime mais, dans l’intervalle, le régime applicable aux ex-conjoints doit être appliqué par analogie aux ex-cohabitants légaux. En outre, il n’est pas raisonnablement justifié que l’ex-conjoint ou l’ex-cohabitant légal victime de violences conjugales ne puisse pas bénéficier de l’attribution prioritaire du logement familial si le ministère public a mis en œuvre la procédure de « médiation et mesures » et si cette procédure aboutit.
Arrêt n˚ 59/2024
La Cour rejette le recours contre l’ordonnance bruxelloise qui a limité l’indexation des loyers commerciaux pendant un an à compter du 22 décembre 2022
Afin de soutenir les locataires commerciaux dans le cadre de la crise économique causée par la guerre en Ukraine, le législateur bruxellois a prévu une mesure limitant l’indexation des loyers commerciaux qui a été applicable pendant un an à compter du 22 décembre 2022. Le Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires, l’Union Professionnelle du Secteur Immobilier et deux bailleurs commerciaux demandent l’annulation de cette mesure.
La Cour rejette le recours. La Cour juge que la Région de Bruxelles-Capitale était bien compétente pour adopter la mesure attaquée. La Cour juge ensuite que le principe d’égalité et de non-discrimination n’est pas violé. Le législateur bruxellois pouvait raisonnablement considérer que les revenus des locataires commerciaux étaient davantage affectés par la hausse extraordinaire de l’inflation que ceux des bailleurs. Selon la Cour, la mesure attaquée ménage un juste équilibre entre les bailleurs et les locataires.
Arrêt n˚ 53/2024
Il est discriminatoire que le preneur d’un bail à ferme oral conclu avant 2020 ne puisse pas en demander la rédaction forcée, ce qui l’expose au risque qu’il soit mis fin à son bail en cas de vente de la terre
Depuis l’entrée en vigueur du décret wallon du 2 mai 2019, en cas de vente d’une terre donnée en location pendant déjà au moins un ans, l’acheteur peut mettre un terme à un bail à ferme conclu oralement s’il justifie d’un motif sérieux et moyennant un congé de six mois. Il en résulte une différence de traitement entre les preneurs d’un bail à ferme oral selon qu’il a été conclu après ou avant la réforme. Les premiers peuvent faire conférer une date certaine à leur bail en recourant à l’action en rédaction forcée qui permet de transformer leur bail oral en bail écrit, alors que les seconds n’ont pas cette possibilité et courent donc le risque de se voir notifier le congé de six mois.
Selon la Cour, il est raisonnablement justifié que la possibilité d’agir en rédaction forcée ne s’applique qu’aux baux conclus après l’entrée en vigueur du décret. Cependant, le fait que l’acheteur puisse mettre fin au bail par le congé de six mois produit des effets disproportionnés pour le preneur qui était dans l’impossibilité absolue, avant la vente, de conférer date certaine au bail. Dès lors, le décret du 2 mai 2019 est inconstitutionnel, en ce qu’il empêche les preneurs d’un bail oral conclu avant l’entrée en vigueur du décret de faire usage de l’action en rédaction forcée pour conférer date certaine à leur bail.
Arrêt n˚ 52/2024
La Cour rejette les recours en annulation dirigés contre la disposition législative qui exclut les revenus relatifs aux programmes d’ordinateur du régime fiscal spécifique des droits d’auteur
Des concepteurs de logiciels et des entreprises IT demandent l’annulation d’une disposition de la loi-programme du 26 décembre 2022 par laquelle le législateur a limité le champ d’application du régime fiscal des droits d’auteur.
La Cour relève tout d’abord que la disposition attaquée exclut bien les revenus relatifs aux programmes d’ordinateur du régime fiscal des droits d’auteur. La Cour juge cependant que cette exclusion est raisonnablement justifiée. En effet, le législateur dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu en matière fiscale. En outre, le législateur a voulu réserver ce régime aux revenus perçus de manière irrégulière et aléatoire. Le législateur a pu raisonnablement présumer qu’un risque de précarité et des aléas existent pour les revenus des auteurs d’œuvres littéraires et artistiques, et non - ou nettement moins - pour les revenus des concepteurs de programmes d’ordinateur. La Cour rejette par conséquent les recours en annulation.
Arrêt n˚ 46/2024
La Cour pose neuf questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne sur la contribution de solidarité temporaire à charge du secteur pétrolier
La loi du 16 décembre 2022 prévoit une contribution de solidarité temporaire à charge du secteur pétrolier, qui vise à faire contribuer les entreprises du secteur de l’énergie qui ont bénéficié de surprofits à la suite de la crise de l’énergie et de l’augmentation des prix depuis le début de l’année 2022, et ce, afin de soutenir les ménages qui en subissent les conséquences. Par cette loi, le législateur tend à la mise en œuvre partielle du règlement (UE) 2022/1854. Cinq sociétés demandent l’annulation de cette loi.
La Cour juge que la contribution de solidarité temporaire ne viole pas les règles répartitrices de compétences. Pour pouvoir statuer sur le reste quant au fond, la Cour pose d’abord neuf questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
Arrêt n˚ 44/2024
La Cour rejette les recours en annulation de la disposition législative qui interdit aux dispensateurs de soins de facturer des suppléments d’honoraires pour des soins ambulatoires aux patients qui ont droit à une intervention majorée
La Cour est saisie de plusieurs recours en annulation de l’article 22 de la loi du 29 novembre 2022. Cette disposition législative interdit aux dispensateurs de soins de facturer des suppléments d’honoraires lorsqu’ils prodiguent des soins ambulatoires à des patients qui ont droit à l’intervention majorée de l’assurance.
La Cour juge qu’il n’est pas discriminatoire que l’interdiction attaquée s’applique tant aux dispensateurs de soins conventionnés qu’aux dispensateurs de soins non conventionnés. L’interdiction ne porte pas davantage atteinte au droit à la liberté thérapeutique, au libre choix du praticien, aux conditions de travail des dispensateurs de soins et au droit à une prestation de soins de qualité pour les patients qui bénéficient de l’intervention majorée de l’assurance. L’interdiction attaquée respecte également la liberté d’établissement, la liberté d’entreprendre et la libre prestation des services, qui sont garanties par le droit de l’Union européenne. Enfin, la Cour relève que le législateur a procédé à un contrôle de proportionnalité, comme l'exige une directive européenne.
Par conséquent, la Cour rejette les recours.
Arrêt n˚ 42/2024
Il est discriminatoire que, lorsqu’une procédure de règlement collectif de dettes est ouverte, le créancier qui a un gage sur des espèces ou sur des titres puisse réaliser ce gage pour lui-même indépendamment de cette procédure
Dans le cadre d’un règlement collectif de dettes, un créancier (une banque) entend réaliser à son avantage un gage sur des espèces et sur des titres. Le Tribunal du travail constate que, sur la base d’une loi de 2004 relative aux sûretés financières, ce créancier peut faire cela sans devoir s’adresser au juge et en dehors de la procédure de règlement collectif de dettes. Le Tribunal demande à la Cour s’il est octroyé ainsi à ce créancier un avantage discriminatoire par rapport aux autres créanciers qui, eux, sont affectés par la procédure de règlement collectif de dettes, y compris les créanciers qui ont un gage ordinaire.
La Cour juge que la différence de traitement qui en résulte entre les créanciers dans le cadre d’une procédure de règlement collectif de dettes n’est pas raisonnablement justifiée. Le simple fait qu’un gage porte sur des titres ou sur des espèces ne peut pas justifier cette différence de traitement. De plus, l’absence de contrôle judiciaire préalable peut compromettre l’objectif du règlement collectif de dettes.
Arrêt n˚ 35/2024
À la suite de la suspension d’une disposition législative sur l’organisation des élections européennes, les jeunes de 16 et 17 ans sont obligés de participer au scrutin
Sur la base de la loi du 25 décembre 2023, les jeunes de 16 et 17 ans peuvent voter pour l’élection des membres du Parlement européen pour la Belgique sans devoir s’enregistrer au préalable. Ils ne sont toutefois pas obligés de voter et ne peuvent pas être sanctionnés s’ils ne votent pas. Un Belge majeur, invoquant sa qualité d’électeur, demande la suspension de la disposition de cette loi qui oblige uniquement les majeurs à voter, sous peine de sanction.
La Cour juge que la différence de traitement entre les électeurs selon qu’ils sont majeurs ou mineurs ne paraît pas justifiée par des motifs impérieux d’intérêt général. Selon la Cour, le préjudice qui résulterait de l’organisation des élections européennes du 9 juin 2024 sur une base inconstitutionnelle est grave et ne saurait être réparé par une annulation ultérieure. En revanche, la suspension de la disposition attaquée ne compromet pas l’organisation de la prochaine élection du Parlement européen. Par conséquent, la Cour suspend la disposition de la loi du 25 décembre 2023 qui prévoit que seuls les majeurs doivent voter aux élections européennes. À la suite de la suspension, les jeunes de 16 et 17 ans sont également obligés de voter aux élections européennes et peuvent être sanctionnés s’ils ne votent pas.
Arrêt n˚ 32/2024
La Cour rejette, sauf sur un point, le recours en annulation du décret flamand qui limite l’indexation des loyers afin d’atténuer les conséquences de la crise énergétique
La Cour a été saisie d’un recours en annulation du décret flamand du 3 octobre 2022. Ce décret énonce deux mesures qui limitent la possibilité d’indexer le loyer de logements dépourvus de certificat de performance énergétique ou disposant d’un certificat de performance énergétique (PEB) D, E ou F. Pour les logements de niveau énergétique D, la possibilité d’indexer le loyer est limitée à 50 % durant un an (du 1er octobre 2022 au 30 septembre 2023), tandis que pour les logements de niveau énergétique E ou F ou dont le niveau énergétique n’est pas connu, toute indexation du loyer est exclue. En outre, pour tous ces logements, un facteur de correction s’appliquera pour protéger le locataire, lors de l’indexation du loyer à partir du 1er octobre 2023.
La Cour annule l’article 2 du décret du 3 octobre 2022 pour violation du principe d’égalité et de non-discrimination, en ce que cette disposition ne rend pas le décret applicable aux baux pour le logement d’étudiants d’une durée supérieure à un an ou conclus successivement avec le même locataire. La Cour rejette les autres critiques.
Arrêt n˚ 28/2024
Il est constitutionnel qu’une personne de nationalité étrangère ne puisse être poursuivie en Belgique pour viol à l’étranger sur un ressortissant belge que si elle est trouvée en Belgique
Une ressortissante belge a déposé plainte avec constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction en Belgique contre une personne de nationalité française pour des faits allégués de viol qui auraient tous été commis à l’étranger. Le ministère public demande que la constitution de partie civile soit déclarée irrecevable, car c’est uniquement pour les infractions de prise d’otages, de meurtre, d’assassinat, de parricide, d’infanticide, d’empoisonnement et de meurtre pour faciliter le vol qu’il n’est pas exigé que l’inculpé soit trouvé en Belgique, tandis que cela est en revanche exigé pour l’infraction de viol. La chambre du conseil du Tribunal de première instance demande s’il est inconstitutionnel que, pour les poursuites pour l’infraction de viol, la présence en Belgique de l’inculpé soit exigée si les faits contre un ressortissant belge ont été commis à l’étranger.
La Cour juge que cette condition est constitutionnelle. Selon la Cour, le législateur pouvait raisonnablement considérer que la compétence des juridictions pénales belges pour des faits commis à l’étranger lorsque l’inculpé ne peut pas être trouvé en Belgique devait, compte tenu de son caractère exceptionnel, être limitée aux infractions de prise d’otages, de meurtre, d’assassinat, de parricide, d’infanticide, d’empoisonnement et de meurtre pour faciliter le vol.
Arrêt n˚ 25/2024
La Cour rejette le recours contre la loi qui autorise les pharmaciens, à certaines conditions, à prescrire et à administrer le vaccin contre la COVID-19
La loi du 28 février 2022 habilite les pharmaciens d’officine à prescrire et à administrer le vaccin contre la COVID-19, à certaines conditions. L’Association Belge des Syndicats Médicaux (ABSyM) demande l’annulation de cette habilitation.
Selon la Cour, il n’y a pas de diminution significative du droit à la protection de la santé garanti par l’article 23 de la Constitution. Entre autres, la Cour souligne que les pharmaciens ne sont autorisés à vacciner contre la COVID-19 qu’à la condition d’avoir suivi avec succès une formation spécifique. De plus, les pharmaciens gèrent des médicaments et leurs missions nécessitent une expertise en la matière. Comme les pharmacies doivent disposer d’un espace permettant une conversation confidentielle avec le patient, la confidentialité de la vaccination est garantie. Enfin, le principe d’égalité et de non-discrimination et le droit au respect de la vie privée ne sont pas non plus violés.
Arrêt n˚ 21/2024
Il n’est pas inconstitutionnel que la dispense partielle du versement du précompte professionnel pour travail en équipe ne soit applicable que si les équipes font le même travail quant à son objet et quant à son ampleur
Les entreprises qui recourent au travail en équipe ou de nuit bénéficient d’une dispense partielle du versement du précompte professionnel.
La Cour est interrogée au sujet de la compatibilité de cette dispense avec le principe d’égalité et de non-discrimination en ce que seules les entreprises dans lesquelles les équipes font le même travail, tant en ce qui concerne son objet qu’en ce qui concerne son ampleur, peuvent bénéficier de la dispense, alors que les entreprises dans lesquelles l’ampleur du travail des équipes varie en fonction des heures de pointe et des heures creuses et les entreprises dans lesquelles l’ampleur du travail des équipes est comparable mais pas la même sont exclues de la dispense.
Selon la Cour, la condition selon laquelle les équipes doivent accomplir un travail de même ampleur est pertinente à la lumière des objectifs du législateur consistant, d’une part, à éviter que des employeurs réorientent leur organisation du travail vers un travail en équipe dans le seul but de bénéficier de l’avantage fiscal et, d’autre part, à contenir le coût lié à la mesure. Eu égard à la large marge d’appréciation du législateur, la mesure précitée n’est pas discriminatoire.
Arrêt n˚ 19/2024
Il est raisonnablement justifié que le conseiller communal qui a été exclu de son groupe politique soit considéré comme faisant toujours partie de son groupe politique d’origine en vue de la désignation du bourgmestre
En Région wallonne, est désigné bourgmestre le conseiller communal belge qui a obtenu le plus de voix de préférence aux élections au sein du groupe politique qui a obtenu le plus de voix parmi les groupes politiques du pacte de majorité.
Le 9 juillet 2021, le conseil communal de Verviers a voté une motion de méfiance constructive contre le collège communal. L’ancien président du CPAS conteste devant le Conseil d’État la désignation dans cette motion de Muriel Targnion comme bourgmestre. Il soutient que, dès lors que celle-ci a été exclue de son groupe politique, elle ne pouvait plus être prise en compte en vue de la désignation du bourgmestre. Le Conseil d’État demande à la Cour s’il est discriminatoire que le conseiller exclu de son groupe politique soit toujours considéré comme relevant de ce groupe politique, ce qui a pour effet qu’il peut être désigné bourgmestre.
La Cour relève que le législateur n’a pas voulu faire dépendre la désignation du bourgmestre d’éventuels désaccords au sein d’un groupe politique et que le législateur a voulu renforcer le rôle de l’électeur dans la désignation du bourgmestre. Selon la Cour, au regard de ces objectifs, il est raisonnablement justifié que, pour désigner le bourgmestre, le conseiller communal qui a démissionné de son groupe politique ou qui en a été exclu soit toujours considéré comme faisant partie de son groupe politique d’origine.
Arrêt n˚ 14/2024
La Cour annule les dispositions wallonnes qui créent une nouvelle catégorie de clients protégés en matière d’énergie, car elles empiètent sur la compétence fédérale en matière de politique sociale des prix de l’énergie
Le décret de la Région wallonne du 22 septembre 2022 met en place une nouvelle catégorie de clients protégés. Ceux-ci peuvent bénéficier de la fourniture d’électricité et de gaz au tarif social fixé par l’autorité fédérale. Ces clients protégés sont notamment les victimes des inondations de juillet 2021 et les personnes dont le revenu professionnel a été impacté par la COVID-19 ou par la crise des prix de l’énergie. L’ASBL « Fédération Belge des Entreprises Electriques et Gazières » (FEBEG) demande l’annulation de ce nouveau régime.
La Cour annule les dispositions attaquées pour violation des règles répartitrices de compétences. Ces dispositions empiètent sur la compétence fédérale relative à la politique sociale des prix de l’énergie et cet empiètement ne peut pas être justifié sur la base de la technique des compétences implicites. La Cour rejette par ailleurs la demande du Gouvernement wallon de maintenir les effets des dispositions annulées.
Arrêt n˚ 12/2024
Il est constitutionnel que l’effacement du solde des dettes après la faillite, pour le conjoint du failli, soit limité aux dettes portant sur les activités professionnelles du failli
Deux conjoints ayant conclu ensemble plusieurs contrats de crédit sont assignés en paiement de dettes impayées. Après la citation, un des conjoints est déclaré failli et le solde de ses dettes est effacé lors de la clôture de la faillite. Le Tribunal de première instance constate que le conjoint failli est libéré des dettes nées des crédits à la consommation, mais qu’il n’en va pas de même, en vertu de l’article XX.174, alinéa 3, du Code de droit économique, pour le conjoint du failli. Pour ce dernier, l’effacement est limité aux dettes qui portent sur les activités professionnelles du failli. Le Tribunal demande si cette disposition viole le principe d’égalité et de non-discrimination.
La Cour juge que cette disposition est constitutionnelle. Bien qu’un nouveau départ soit offert au failli, il est raisonnablement justifié que la mesure n’aille pas jusqu’à libérer le conjoint du failli de toutes les dettes contractées conjointement avec le failli. Le fait que le conjoint du failli soit déjà libéré de certaines dettes a pour effet que la limitation de l’étendue de l’effacement n’a pas d’effets disproportionnés.
Arrêt n˚ 8/2024
Il n’est pas inconstitutionnel que le Code flamand du logement subordonne l’octroi d’un logement social au respect de conditions en matière de possession d’un immeuble précisées par le Gouvernement flamand
L’article 6.21 du Code flamand du logement de 2021 prévoit que le locataire d'un logement social doit respecter pendant toute la durée du bail les conditions en matière de propriété immobilière fixées par le Gouvernement flamand pour continuer à bénéficier du logement social.
La Cour est interrogée sur la constitutionnalité de cette disposition, en ce qu’elle établit une distinction entre un locataire qui acquiert un immeuble avec des fonds issus d’un héritage, d’un prêt ou d’une épargne, et un locataire qui n’utilise pas lesdits fonds pour acquérir un immeuble. Selon la Cour, la différence de traitement repose sur un critère de distinction pertinent puisque la propriété d’un immeuble permet en principe de réaliser plus simplement le droit au logement sur ses fonds propres en occupant soi-même l’immeuble concerné ou en en utilisant les fonds que le bien peut générer pour un bien sur le marché privé. La disposition en cause ne viole dès lors pas les dispositions constitutionnelles précitées.
Arrêt n˚ 5/2024
La Cour suspend une disposition wallonne qui, dans le cadre de la politique des déchets, définit la notion de producteur soumis au régime de responsabilité élargie pour la gestion de la phase « déchets » de ses produits
Le décret de la Région wallonne du 9 mars 2023 réforme le système de la responsabilité élargie des producteurs de produits (à savoir le système dans le cadre duquel les producteurs assument la responsabilité de la gestion de la phase « déchets » du cycle de vie d’un produit). Recupel, Bebat, Recytyre, une société exploitant une usine de tri de certains déchets et plusieurs associations de producteurs demandent l’annulation et la suspension de plusieurs dispositions de ce décret. La demande de suspension est dirigée contre la disposition qui définit la notion de producteur soumis au régime de responsabilité élargie.
La Cour juge que la disposition attaquée est similaire aux dispositions législatives wallonnes qui ont été annulées par les arrêts nos 37/2018 et 163/2020. Elle a en effet le même objet, à savoir définir la notion de producteur. De plus, elle est entachée du même vice d’inconstitutionnalité : elle a été adoptée sans concertation préalable avec les autres régions. Par conséquent, la Cour suspend la disposition attaquée. La Cour doit se prononcer sur le recours en annulation dans les trois mois.
Arrêt n˚ 4/2024
La Cour annule des aspects des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française transposant la directive DAC 6 sur l’obligation de déclaration de certains dispositifs fiscaux transfrontières
La directive DAC 6 introduit une obligation de déclaration des dispositifs transfrontières fiscaux à caractère agressif. L’obligation de déclaration repose d’abord sur les intermédiaires (c’est-à-dire des personnes qui participent à l’élaboration ou à la mise en œuvre de ces dispositifs) ou, en second lieu, sur les contribuables. Par quatre arrêts de ce jour, la Cour annule plusieurs aspects des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française qui transposent cette directive. La Cour annule : (1) dans les législations wallonne et de la Communauté française : les dispositions qui imposent une obligation de déclaration rétroactive, (2) dans les législations wallonne, bruxelloise et de la Communauté française : l’impossibilité, pour un intermédiaire tenu au secret professionnel pénalement sanctionné, de se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique de dispositifs commercialisables et (3) dans les législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française : l’obligation pour un avocat-intermédiaire qui invoque le secret professionnel d’informer un autre intermédiaire qui n’est pas un client. Enfin, la Cour laisse provisoirement de côté d’autres critiques, dans l’attente d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
Arrêt n˚ 3/2024
La Cour annule des aspects des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française transposant la directive DAC 6 sur l’obligation de déclaration de certains dispositifs fiscaux transfrontières
La directive DAC 6 introduit une obligation de déclaration des dispositifs transfrontières fiscaux à caractère agressif. L’obligation de déclaration repose d’abord sur les intermédiaires (c’est-à-dire des personnes qui participent à l’élaboration ou à la mise en œuvre de ces dispositifs) ou, en second lieu, sur les contribuables. Par quatre arrêts de ce jour, la Cour annule plusieurs aspects des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française qui transposent cette directive. La Cour annule : (1) dans les législations wallonne et de la Communauté française : les dispositions qui imposent une obligation de déclaration rétroactive, (2) dans les législations wallonne, bruxelloise et de la Communauté française : l’impossibilité, pour un intermédiaire tenu au secret professionnel pénalement sanctionné, de se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique de dispositifs commercialisables et (3) dans les législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française : l’obligation pour un avocat-intermédiaire qui invoque le secret professionnel d’informer un autre intermédiaire qui n’est pas un client. Enfin, la Cour laisse provisoirement de côté d’autres critiques, dans l’attente d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
Arrêt n˚ 2/2024
La Cour annule des aspects des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française transposant la directive DAC 6 sur l’obligation de déclaration de certains dispositifs fiscaux transfrontières
La directive DAC 6 introduit une obligation de déclaration des dispositifs transfrontières fiscaux à caractère agressif. L’obligation de déclaration repose d’abord sur les intermédiaires (c’est-à-dire des personnes qui participent à l’élaboration ou à la mise en œuvre de ces dispositifs) ou, en second lieu, sur les contribuables. Par quatre arrêts de ce jour, la Cour annule plusieurs aspects des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française qui transposent cette directive. La Cour annule : (1) dans les législations wallonne et de la Communauté française : les dispositions qui imposent une obligation de déclaration rétroactive, (2) dans les législations wallonne, bruxelloise et de la Communauté française : l’impossibilité, pour un intermédiaire tenu au secret professionnel pénalement sanctionné, de se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique de dispositifs commercialisables et (3) dans les législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française : l’obligation pour un avocat-intermédiaire qui invoque le secret professionnel d’informer un autre intermédiaire qui n’est pas un client. Enfin, la Cour laisse provisoirement de côté d’autres critiques, dans l’attente d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
Arrêt n˚ 1/2024
La Cour annule des aspects des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française transposant la directive DAC 6 sur l’obligation de déclaration de certains dispositifs fiscaux transfrontières
La directive DAC 6 introduit une obligation de déclaration des dispositifs transfrontières fiscaux à caractère agressif. L’obligation de déclaration repose d’abord sur les intermédiaires (c’est-à-dire des personnes qui participent à l’élaboration ou à la mise en œuvre de ces dispositifs) ou, en second lieu, sur les contribuables. Par quatre arrêts de ce jour, la Cour annule plusieurs aspects des législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française qui transposent cette directive. La Cour annule : (1) dans les législations wallonne et de la Communauté française : les dispositions qui imposent une obligation de déclaration rétroactive, (2) dans les législations wallonne, bruxelloise et de la Communauté française : l’impossibilité, pour un intermédiaire tenu au secret professionnel pénalement sanctionné, de se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique de dispositifs commercialisables et (3) dans les législations fédérale, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française : l’obligation pour un avocat-intermédiaire qui invoque le secret professionnel d’informer un autre intermédiaire qui n’est pas un client. Enfin, la Cour laisse provisoirement de côté d’autres critiques, dans l’attente d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
Arrêt n˚ 172/2023
Il est discriminatoire qu’à Bruxelles, la réduction de 10 euros des allocations familiales s’applique aux enfants ayant basculé dans le nouveau régime de prestations familiales - moins favorable - lors d’un changement d’allocataire
À Bruxelles, une ordonnance du 25 avril 2019 prévoit qu’à son entrée en vigueur le 1er janvier 2020, les allocataires d’allocations familiales continuent de percevoir le montant calculé sur la base du régime antérieur si ce montant est supérieur à celui fixé par l’ordonnance. Cependant, en cas de changement ultérieur d’allocataire, le montant fixé par l’ordonnance devient alors applicable. En outre, une réduction de 10 euros du montant de base des allocations familiales s’applique jusqu’au 31 décembre 2025 pour les enfants nés avant le 1er janvier 2020.
La Cour est interrogée sur le fait que cette réduction de 10 euros s’applique non seulement aux enfants qui ont basculé dès le 1er janvier 2020 dans le nouveau régime (parce que celui-ci est plus favorable pour eux que le régime antérieur), mais aussi aux enfants qui ont basculé dans le nouveau régime à la suite d’un changement d’allocataire et pour lesquels le nouveau régime est moins favorable. Selon la Cour, il n’est pas raisonnablement justifié que la réduction de 10 euros s’applique aussi à ces enfants, dès lors que ceux-ci subissent déjà une diminution du montant de leurs allocations en raison de leur basculement dans le nouveau régime.
Arrêt n˚ 171/2023
La disposition législative qui prévoit que le montant des allocations de chômage peut être différent selon que le chômeur est isolé ou qu’il cohabite avec une autre personne est constitutionnelle
Une disposition de l’arrêté?loi du 28 décembre 1944 « concernant la sécurité sociale des travailleurs » permet au Roi de fixer des montants différents d’allocations de chômage selon qu’un chômeur est isolé ou qu’il cohabite avec une autre personne. Dans le cadre d’un litige opposant deux chômeurs à l’ONEm, la Cour du travail de Liège demande à la Cour si cette disposition est compatible avec le principe d’égalité et avec le droit au respect de la vie privée et familiale, en ce qu’elle a pour effet que les chômeurs cohabitants perçoivent des allocations moins élevées que les chômeurs isolés.
La Cour juge que la différence de traitement est raisonnablement justifiée par l’objectif du législateur de tenir compte de l’existence de besoins et charges différents pour les chômeurs, en fonction de la composition du ménage. En outre, l’habilitation au Roi ne produit pas en soi des effets disproportionnés pour les chômeurs dès lors que, en recourant au critère de la composition du ménage, le législateur a souhaité garantir la proportionnalité entre le montant de l’allocation perçue et les besoins des bénéficiaires, compte tenu des différents choix de vie. Selon la Cour, il revient pour le reste à la Cour du travail de vérifier si la détermination concrète, par le Roi, des modalités de calcul de l’allocation du chômeur cohabitant est compatible avec le principe d’égalité et avec le droit au respect de la vie privée et familiale.
Arrêt n˚ 165/2023
La Cour rejette les recours contre la loi du 28 mars 2022 qui introduit une taxe sur le départ des passagers à partir d’un aéroport belge
La loi du 28 mars 2022 introduit une taxe sur le départ des passagers à partir d’un aéroport belge. Son montant (de 2 à 10 euros par passager) est le plus élevé lorsque la destination finale est située à moins de 500 km, afin d’inciter le recours à des moyens de transport moins polluants que l’avion. Plusieurs exemptions sont prévues, notamment pour les passagers qui transitent par un aéroport belge pour une escale ou une correspondance. Ryanair, la Fédération Belge d’Aviation et deux pilotes d’avion privé demandent l’annulation de cette taxe.
La Cour rejette les recours. Elle juge que le législateur fédéral était bien compétent pour adopter la taxe attaquée. La Cour considère ensuite que le principe d’égalité et de non-discrimination et l’article 15 de la Convention de Chicago ne sont pas violés. En particulier, l’exemption pour les passagers en transit est raisonnablement justifiée par l’objectif du législateur de préserver la position concurrentielle des aéroports belges comme plaques tournantes du trafic aérien international. Enfin, la Cour juge que la loi attaquée réalise un juste équilibre entre la liberté d’entreprendre et le droit à la protection d’un environnement sain.
Arrêt n˚ 161/2023
Il est inconstitutionnel que le ministère public, après avoir déclaré exécutoire un ordre de paiement pour une infraction routière, puisse encore citer le contrevenant devant le juge pénal
Deux personnes qui sont soupçonnées d’avoir commis une ou plusieurs infractions routières ont été citées par le ministère public devant un tribunal de police, après que le ministère public leur avait d’abord délivré un ordre de paiement conformément à l’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968. Le tribunal de police demande si cette disposition viole le principe d’égalité et de non-discrimination et le principe non bis in idem dans l’interprétation selon laquelle le ministère public peut encore procéder à la citation après avoir délivré un ordre de paiement.
La Cour juge que cette disposition est inconstitutionnelle en ce qu’elle ne prévoit pas que la déclaration du ministère public rendant l’ordre de paiement exécutoire éteint l’action publique. Dans l’attente de l’intervention du législateur, le juge doit déclarer l’action du ministère public irrecevable s’il constate que le ministère public a cité le contrevenant après que l’ordre de paiement a été déclaré exécutoire. Le ministère public n’est toutefois pas obligé de déclarer l’ordre de paiement exécutoire si le contrevenant ne paie pas dans le délai et s’il n’introduit pas non plus un recours. Le ministère public peut dans ce cas également choisir de ne pas déclarer l’ordre de paiement exécutoire et de citer le contrevenant devant le juge pénal.
Arrêt n˚ 159/2023
La Cour rejette le recours en annulation de l’interdiction de vente de produits de tabac au moyen de distributeurs automatiques
La Cour est saisie d’un recours en annulation de la loi du 29 novembre 2022. Cette loi instaure, à partir du 9 décembre 2023, une interdiction de vente de produits de tabac au moyen de distributeurs automatiques. La loi prévoit une exception à l’interdiction pour la vente semi-automatique de produits de tabac dans les commerces de détail comme les supermarchés à condition que l’âge soit contrôlé à la caisse et que les produits de tabac soient hors de vue.
La Cour considère qu’une telle interdiction est raisonnablement justifiée, eu égard aux risques importants pour la santé publique qui accompagnent une large disponibilité des produits de tabac, ainsi qu’à l’attractivité exercée par les distributeurs automatiques de tabac et à leur accessibilité. La Cour juge en outre que la différence de traitement entre les exploitants de distributeurs automatiques de tabac selon qu’il s’agit d’établissements horeca ou de supermarchés est également raisonnablement justifiée. Selon la Cour, il peut être admis que le risque de succomber à la tentation d’acheter et de consommer des produits de tabac est plus important dans les établissements horeca, de sorte que le législateur pouvait viser en premier lieu ces points de vente. La Cour rejette donc le recours.
Arrêt n˚ 154/2023
La Cour annule l’obligation pour les casinos, les salles de jeux automatiques et les agences de paris de prendre une photo du joueur et annule aussi la durée de conservation de 10 ans pour les autres données du joueur
Les casinos, les salles de jeux automatiques et les agences de paris ont l’obligation de conserver une copie du document d’identité du joueur et de tenir un registre d’accès avec certaines informations personnelles sur le joueur. La loi du 30 juillet 2022 ajoute à cela l’obligation de prendre et de conserver une photo du joueur à chaque visite. Cette loi fixe aussi à 10 ans la durée de conservation des données du registre d’accès et de la copie du document d’identité. Une société active dans le secteur des paris en demande l’annulation.
La Cour juge que, compte tenu des autres mesures qui réduisent le risque de fraude à l’identité par des joueurs exclus, il est disproportionné de prendre et de conserver une photo de tous les joueurs. La Cour annule cette obligation. Ensuite, la Cour relève que le registre d’accès a pour finalité de permettre à la Commission des jeux de hasard de contrôler la correcte application du système EPIS (à savoir le système que les établissements de jeux de hasard concernés doivent consulter pour vérifier si la personne n’est pas interdite de jeu). Vu que le délai de prescription pour les infractions concernées est de 5 ans, la durée de conservation de 10 ans excède ce qui est nécessaire pour la finalité poursuivie. La Cour annule cette durée de conservation.
Arrêt n˚ 153/2023
La décision du ministère public de placer un enfant hors de son milieu de vie, en cas de nécessité urgente, doit prendre fin au plus tard à la fin du premier jour suivant celui où la mesure a été prise
Le décret de la Communauté française du 23 juin 2022 prévoit qu’en cas de nécessité urgente, le ministère public peut placer un enfant temporairement hors de son milieu de vie, lorsque cet enfant se trouve en grave danger. La mesure dure jusqu’à la fin du prochain jour ouvrable. L’Ordre des barreaux francophones et germanophone demande l’annulation de cette mesure.
La Cour juge qu’il est constitutionnel qu’une telle mesure de placement puisse être prise par le ministère public et non par un juge. Cependant, la volonté du législateur de « déjudiciariser » la matière de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse, alors que le service administratif de garde ne couvre pas toute la période pendant laquelle le ministère public peut prendre la mesure de placement, ne justifie pas que cette mesure dure jusqu’à la fin du premier jour ouvrable suivant son adoption. La Cour annule donc le mot « ouvrable » dans les dispositions attaquées, de sorte que la mesure de placement prend fin au plus tard à la fin du premier jour suivant celui où la mesure a été prise.
Arrêt n˚ 147/2023
La Cour rejette le recours dirigé contre le décret wallon qui a suspendu l’exécution des jugements ordonnant une expulsion de domicile du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023
Le décret de la Région wallonne du 22 septembre 2022 a suspendu, du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023, l'exécution des décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion. Une association de défense des propriétaires et plusieurs bailleurs concernés demandent à la Cour d’annuler cette mesure.
Selon la Cour, le législateur wallon pouvait prendre la mesure attaquée dans le cadre de sa compétence en matière de logement. Un report temporaire, dans des circonstances exceptionnelles, de l’exécution des jugements d’expulsion ne porte pas atteinte au principe fondamental selon lequel les jugements ne peuvent être modifiés qu’à la suite de l’exercice d’un recours. La Cour juge également que la mesure attaquée se justifie, dans un contexte exceptionnel (crise des prix de l’énergie et très forte inflation), par le but de protéger les personnes les plus fragilisées contre la perte de leur logement durant les mois les plus froids de l’année. Par ailleurs, les loyers ou une indemnité correspondante restent dus pendant la suspension. Enfin, il appartiendra au juge ordinaire de déterminer si, compte tenu des circonstances spécifiques de chaque cas, une indemnisation doit être allouée au propriétaire sur la base du principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
Arrêt n˚ 134/2023
La Cour rejette le recours dirigé contre l’ordonnance bruxelloise du 17 mars 2022 qui modifie la réglementation sur les compteurs intelligents d’électricité et de gaz
L’ordonnance de la Région de Bruxelles?Capitale du 17 mars 2022 modifie les dispositions relatives aux compteurs intelligents d’électricité et de gaz. En principe, lorsque l’installation d’un compteur intelligent est prévue, l’utilisateur est obligé de l’accepter. Cela étant, le Gouvernement bruxellois peut prévoir une exception à cette obligation au profit des personnes pour lesquelles une exposition aux champs électromagnétiques émis par un compteur intelligent présente un risque sanitaire dûment objectivé. Deux associations et trois particuliers demandent l’annulation de ces dispositions.
La Cour rejette le recours. Le législateur bruxellois a tenu compte de l’arrêt n° 162/2020, par lequel la Cour a jugé que le droit à la protection d’un environnement sain exige la création d’un régime adéquat protégeant les personnes électrosensibles. Selon la Cour, les dispositions attaquées ne sont pas discriminatoires et elles ne violent pas le droit à la protection d’un environnement sain.
Arrêt n˚ 131/2023
La Cour annule partiellement la loi qui impose la communication des données des passagers, et juge cette loi pour le reste conforme à la Constitution et au droit européen pour autant qu’elle soit interprétée d’une certaine manière
La Cour a posé dix questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans le cadre de l’examen du recours en annulation introduit par la Ligue des droits humains contre la loi qui impose la communication des données des passagers.
La CJUE a validé dans son principe le système PNR (Passenger Name Record), sur lequel la loi attaquée repose, moyennant plusieurs réserves d’interprétation.
À la suite de cet arrêt de la CJUE, la Cour juge qu’il est justifié que le système PNR s’applique à tous les passagers, mais que le traitement des données PNR n’est possible que pour la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité, en lien avec le transport concerné. La Cour valide plusieurs mesures attaquées (création de la banque de données, pre-screening, durée de conservation des données), moyennant des réserves d’interprétation. La Cour annule d’autres mesures, telles que la possibilité pour le procureur du Roi et les services de renseignement et de sécurité d’accéder aux données. Dans l’attente d’une intervention du législateur, l’Autorité de protection de données est compétente pour autoriser un tel accès. La Cour annule aussi les dispositions qui organisent le traitement des données API (Advanced Passenger Information) dans une banque de données unique avec les données PNR.
Arrêt n˚ 129/2023
La Cour rejette le recours en annulation du décret flamand qui règle le déploiement et la gestion des compteurs d’eau numériques
Un décret flamand du 15 juillet 2022 règle le déploiement et la gestion des compteurs d’eau numériques. Cinq personnes physiques demandent l’annulation partielle de ce décret, au motif qu’il expose les abonnés au rayonnement électromagnétique du compteur d’eau numérique sans fil.
Le décret impose l’installation de compteurs d’eau numériques, alors que seuls des compteurs d’eau numériques sans fil sont disponibles. Selon la Cour, le décret ne viole pas le droit à la protection d’un environnement sain. La Cour précise néanmoins que, sur la base de l’habilitation conférée par le décret, le Gouvernement flamand est tenu, dès que des compteurs d’eau communiquant par câble seront disponibles, de prévoir pour les abonnés le droit d’opter pour l’installation d’un tel compteur d’eau numérique. Sous réserve de cette précision, la Cour rejette le recours.
Arrêt n˚ 116/2023
La loi étendant aux jeunes de 16 et 17 ans le droit de vote pour les élections du Parlement européen est inconstitutionnelle en ce qu’elle subordonne l'exercice de ce droit à une obligation d'inscription préalable
La loi du 1er juin 2022 introduit la possibilité pour les jeunes de 16 et 17 ans de voter à l'élection des membres du Parlement européen pour la Belgique. Pour pouvoir voter, ces jeunes doivent cependant demander à être inscrits sur la liste des électeurs. Un Belge majeur qui invoque sa qualité d'électeur demande l'annulation de cette loi.
La Cour estime que le législateur pouvait, au regard de l'objectif de renouveau démocratique et dans les limites de son pouvoir d'appréciation, élargir le droit de vote pour ces élections aux jeunes de 16 et 17 ans. Mais, selon la Cour, il n'est pas raisonnablement justifié de subordonner l'exercice de ce droit de vote pour les Belges de 16 et 17 ans à l'obligation de demander à être inscrit sur la liste des électeurs. La Cour annule donc la loi du 1er juin 2022 dans la mesure où elle prévoit une telle obligation. Elle rejette le recours pour le reste.
Arrêt n˚ 115/2023
Il est inconstitutionnel que les personnes tenues de suivre un parcours citoyen soient exclues des exemptions, des réductions et du remboursement des droits d’inscription pour le programme de formation « Nederlands tweede taal »
Le décret de la Communauté flamande du 24 juin 2022 établit des nouvelles règles concernant le programme de formation « Nederlands tweede taal » (NT2, néerlandais deuxième langue) du parcours citoyen. Il introduit l'obligation pour certains centres d’éducations d'organiser un test linguistique standardisé et prévoit des droits d'inscription pour cette formation, avec une possibilité d’exonération, de réduction ou de remboursement. Plusieurs organisations et le président d’une confédération demandent l’annulation de plusieurs dispositions.
La Cour juge que l’obligation d’organiser un test linguistique et l'obligation de ne délivrer un certificat qu'à ceux qui ont réussi ce test ne portent pas atteinte à la liberté active d’enseignement. Si, en principe, la Cour ne voit pas d'inconvénient à la suppression d'une exonération, d'une réduction ou d'un remboursement, il est toutefois discriminatoire de supprimer ces modalités pour les personnes majeures tenues de suivre un parcours citoyen, alors que les personnes qui suivent volontairement un tel parcours et les autres participants peuvent encore bénéficier de ces corrections sociales. Dans ce contexte, la Cour relève que tant les personnes obligées de suivre un parcours citoyen que celles qui suivent volontairement un tel parcours peuvent se trouver dans une situation socio-économique précaire. Le traitement différent de ces deux catégories des personnes n’est donc pas raisonnablement justifié, et ce d’autant moins qu’il en résulte une discrimination indirectement fondée sur la nationalité vu qu’un pourcentage beaucoup plus élevé d’étrangers est tenu de suivre un parcours citoyen Les articles concernés sont ainsi annulés.
Arrêt n˚ 114/2023
La Cour rejette le recours en annulation du décret qui augmente et uniformise les taux de peine pour les infractions à la loi sur le bien-être animal en Région flamande
Le décret de la Région flamande du 4 février 2022 prévoit une augmentation et une uniformisation des taux de peine pour les infractions à la loi sur le bien-être animal. Pour toutes ces infractions, la peine est désormais de huit jours à cinq ans d’emprisonnement et/ou d’une amende de 52 euros à 100 000 euros (à majorer des décimes additionnels).
Quatre groupements d’intérêts dans des secteurs relevant de la loi sur le bien-être animal et une éleveuse de chiens agréée demandent l’annulation de ce décret.
La Cour rejette le recours en annulation. Selon la Cour, le décret attaqué ne viole pas le principe de la sécurité juridique et le principe de proportionnalité. À la lumière de la prise de conscience modifiée de la société en matière de bien-être animal, le législateur pouvait opter pour un taux de peine uniforme et plus sévère pour les infractions à la loi sur le bien-être animal. La Cour estime ensuite que le décret attaqué est compatible avec la liberté de commerce et d’industrie et avec la libre circulation des marchandises. La Cour estime enfin que le décret attaqué ne viole pas la liberté d’expression dans la mesure où l’aggravation des peines s’applique également aux infractions à l'interdiction de diffuser de fausses informations ou de faire une publicité mensongère pour la vente d'animaux.
Arrêt n˚ 113/2023
À l’exception des dispositions qui limitent le financement et le soutien étrangers, le décret flamand relatif à la reconnaissance des communautés religieuses locales est constitutionnel
Un décret flamand du 22 octobre 2021 introduit un nouveau cadre de reconnaissance, de contrôle et de sanction pour les communautés religieuses locales. Quatre ASBL demandent l’annulation totale de ce décret, et la province d’Anvers en demande l’annulation partielle.
La Cour rejette les critiques de constitutionnalité contre la plupart des dispositions. Cela n’est toutefois pas le cas pour les dispositions du décret en vertu desquelles la communauté religieuse locale et l’administration du culte ne peuvent recevoir aucun financement ou soutien étranger qui affecte leur indépendance et ne peuvent pas avoir des ministres du culte ou des suppléants qui sont rémunérés directement ou indirectement par une autorité étrangère. Selon la Cour, ces dispositions violent la liberté de religion et de culte et elles sont dès lors annulées.
Arrêt n˚ 112/2023
La Cour annule plusieurs modifications du cadre décrétal relatif à la protection sociale flamande
Plusieurs personnes demandent à la Cour d’annuler une série de dispositions du décret de la Communauté flamande du 18 juin 2021 qui modifie le décret du 18 mai 2018 relatif à la protection sociale flamande.
La Cour annule tout d'abord la disposition par laquelle la durée de séjour requise est portée de cinq à dix ans et par laquelle le respect de l’obligation d’intégration civique est introduit comme condition supplémentaire à l’octroi du budget de soins. La Cour annule ensuite la disposition qui introduit une condition de durée de résidence de cinq ans et le respect de l’obligation d’intégration civique comme conditions pour l’octroi de la prime de soins socialement corrigée. Selon la Cour, ces conditions réduisent significativement le droit à la sécurité sociale, sans qu’une justification raisonnable existe à cet effet.
La Cour annule ensuite la réglementation par laquelle certaines catégories de personnes qui ont droit à une intervention majorée de l’assurance maladie sont entièrement exemptés de la taxe de dossier pour l’introduction d’un recours administratif, alors qu’elle n’exempte que partiellement les autres catégories. La Cour juge que la taxe de dossier doit être intégralement remboursée si le tribunal du travail décide que le recours administratif a injustement été rejeté comme non fondé. Selon la Cour, ces réglementations sont discriminatoires.
La Cour rejette le recours pour le reste.
Arrêt n˚ 111/2023
La Cour annule, pour cause de violation du secret professionnel des avocats, des aspects du décret flamand qui introduit une obligation de déclaration relative aux dispositifs fiscaux à caractère agressif
Le décret de la Région flamande du 26 juin 2020 introduit, dans le cadre de la transposition d’une directive européenne, une obligation pour les intermédiaires de déclarer à l’autorité compétente les dispositifs transfrontières fiscaux qui présentent un caractère agressif. Ce décret fait l’objet de deux recours en annulation.
La Cour annule les dispositions de ce décret (1) dans la mesure où il empêche un avocat agissant en tant qu’intermédiaire de se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique de dispositifs commercialisables et (2) dans la mesure où il impose à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire une obligation d’information envers un autre intermédiaire qui n’est pas son client. La Cour rejette en revanche la critique dirigée contre la faculté pour le contribuable d’autoriser l’avocat-intermédiaire à satisfaire à l’obligation de déclaration. Enfin, la Cour laisse provisoirement de côté les autres critiques dirigées contre le décret du 26 juin 2020, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne à différentes questions préjudicielles posées dans un arrêt antérieur.
Arrêt n˚ 105/2023
La modification des règles relatives à l’organisation du marché bruxellois de l’électricité ne porte pas atteinte à l’indépendance et aux compétences de l’autorité bruxelloise de régulation en matière d’énergie (BRUGEL)
L’autorité bruxelloise de régulation en matière d’énergie, BRUGEL, demande à la Cour d’annuler plusieurs dispositions de l’ordonnance bruxelloise du 17 mars 2022, qui modifie la législation relative à l’organisation des marchés de l’électricité et du gaz. Selon BRUGEL, cette ordonnance porterait atteinte à son indépendance et aux compétences que lui reconnaît la directive (UE) 2019/944 sur les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.
BRUGEL critique l’obligation que l’ordonnance lui impose d’élaborer la méthodologie tarifaire de manière à garantir au gestionnaire du réseau de distribution un taux de rendement suffisamment stable. Selon la Cour, cette mesure ne limite pas la faculté de BRUGEL de choisir la méthodologie tarifaire de manière telle qu’elle porte atteinte à son indépendance et à sa compétence exclusive en matière tarifaire. BRUGEL conteste également que l’ordonnance attaquée ne lui permette pas d’exiger que le projet de plan de développement du gestionnaire de réseau soit modifié et qu’elle ne lui confère pas la compétence d’approuver ce plan. La Cour relève cependant que la directive (UE) 2019/944 n’impose pas au législateur bruxellois de conférer à BRUGEL de telles compétences. La Cour rejette donc le recours en annulation.
Arrêt n˚ 102/2023
La Cour rejette le recours contre le décret wallon sur la valorisation des eaux qui sont évacuées pour exploiter à sec une carrière ou une mine (eaux d’exhaure)
En 2021, le législateur wallon a adopté un décret sur la valorisation des eaux d’exhaure, à savoir les eaux qui sont évacuées pour exploiter à sec une carrière ou une mine. La valorisation consiste à récupérer une partie de l’eau d’exhaure, à la traiter et à l’acheminer vers le réseau public de distribution. Le décret vise aussi à clarifier et à compléter le régime des contributions financières des principaux acteurs du secteur de l’eau. L’abbaye de Rochefort demande l’annulation de plusieurs dispositions du décret.
La Cour rejette le recours. En ce qui concerne les taxes sur les prises d’eau, la Cour juge que le régime plus favorable pour les carriers n’est pas discriminatoire et ne constitue pas une aide d’État. La Cour juge aussi que la disposition transitoire applicable aux permis relatifs aux projets de valorisation d’eaux d’exhaure qui ont été octroyés avant l’entrée en vigueur du décret, est constitutionnelle.
Arrêt n˚ 92/2023
La Cour annule plusieurs dispositions du décret flamand du 9 juillet 2021 qui modifient le régime de location sociale
Le décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement » réforme notamment le régime de location sociale. Huit ASBL demandent l’annulation partielle de ce décret. Elles formulent différentes critiques contre certains aspects de cette réforme.
La Cour estime que plusieurs de ces critiques sont fondées. Elle annule tout d’abord la mesure selon laquelle les conventions de politique du logement social (qui, aux fins d’une meilleure répartition de l’offre de logements, donnent droit pour la réalisation de logements sociaux à des financements de la Région flamande) peuvent uniquement être conclues dans les communes où le nombre de logements sociaux réalisés et planifiés, par rapport au nombre de ménages de la commune, ne dépasse pas 15 %. La Cour estime ensuite inconstitutionnel le fait que le locataire dont le contrat de location a été résilié par décision de justice pour cause de nuisance grave ou de négligence grave du logement social ne puisse pas se réinscrire sur la liste d’attente pendant trois ans. Enfin, la Cour annule certaines dispositions portant sur le traitement des données, au motif que l’avis d’aucune autorité de contrôle compétente en la matière n’a été sollicité. Cette réglementation est cependant maintenue jusqu’à l’entrée en vigueur d’une réglementation qui satisfasse au règlement général sur la protection des données et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023. Les critiques relatives aux autres mesures ont été rejetées. Quant au relèvement de l’exigence de connaissance linguistique pour les locataires d’un logement social et à l’obligation pour le locataire de s’inscrire auprès du VDAB, ces mesures sont jugées constitutionnelles.
Arrêt n˚ 89/2023
Il est constitutionnel que lorsque la filiation à l’égard d’un parent est établie après la filiation à l’égard de l’autre parent, le nom de l’enfant mineur ne puisse être modifié qu’avec l’accord des deux parents
Les pères biologiques de deux enfants mineurs agissent chacun en justice pour faire établir leur paternité. Le Tribunal fait droit à ces demandes. Dans les deux affaires, le père biologique demande aussi que le nom de l’enfant, qui est celui de la mère, soit modifié, ce que la mère refuse. Le Tribunal relève que l’établissement d’un second lien de filiation après le premier n’entraîne aucune modification du nom de l’enfant, sauf si les parents s’accordent sur une modification. Le Tribunal demande à la Cour si cette règle est constitutionnelle.
La Cour juge que, compte tenu de l’intérêt de l’enfant et de l’utilité sociale de la fixité du nom, il est justifié que, lorsque les filiations maternelle et paternelle sont établies successivement, le nom de l’enfant ne puisse être modifié qu’avec l’accord des deux parents. Par ailleurs, la Cour juge non-discriminatoire la différence de traitement selon que la filiation paternelle est établie après la filiation maternelle (à défaut d’accord entre les parents, l’enfant conserve le nom de la mère) ou que la filiation paternelle est modifiée à la suite d’une action en contestation et en recherche de paternité (à défaut d’accord entre les parents, l’enfant porte le double nom comme nouveau nom).
Arrêt n˚ 87/2023
La Cour rejette le recours dirigé contre le nouveau régime d’exemption de TVA pour les prestations de soins en dehors de l’hôpital
Plusieurs professionnels de la santé et leurs unions professionnelles demandent l’annulation du nouveau régime d’exemption de TVA pour les prestations de soins fournies en dehors d’une hospitalisation. Selon eux, la législation ne détermine pas si les prestations de soins des chiropracteurs et des ostéopathes sont exemptées de TVA. De plus, ils critiquent l’exemption de TVA dont bénéficient, à certaines conditions, les prestataires de soins qui ne font pas l’objet d’un cadre légal.
La Cour relève que l’exemption de TVA s’applique automatiquement aux praticiens visés par la loi du 10 mai 2015 (médecins, dentistes, pharmaciens, kinésithérapeutes, infirmiers, sages-femmes, secouristes-ambulanciers, psychologues cliniques, orthopédagogues cliniques et professions paramédicales) et par la loi du 29 avril 1999 (homéopathes, chiropracteurs, ostéopathes et acupuncteurs). Les prestataires de soins qui ne sont pas visés par ces deux lois doivent remplir deux conditions de fond pour bénéficier de l’exemption de TVA : disposer d’une certification d’un établissement reconnu et avoir les qualifications nécessaires pour fournir des prestations de soins de qualité semblable à celles des praticiens visés par les deux lois précitées. Selon la Cour, la portée de l’exemption de TVA est donc suffisamment délimitée. La Cour rejette le recours.
Arrêt n˚ 86/2023
La disposition légale qui considère les dégâts de sécheresse dans une habitation comme des dégâts dus à un glissement ou à un affaissement de terrain, que l’assureur incendie doit couvrir, est constitutionnelle
Plusieurs assureurs et Assuralia demandent à la Cour d’annuler l’article 2 de la loi du 29 octobre 2021, principalement en raison de son effet rétroactif. Cette disposition précise qu’une contraction de terrain due à une sécheresse constitue un glissement ou un affaissement de terrain au sens de l’article 124, § 1er, d), de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, que l’assureur incendie doit couvrir.
La Cour rejette le recours en annulation. La Cour juge que la disposition attaquée est une disposition interprétative qui vise à mettre un terme à l’insécurité juridique causée par l’article 124, § 1er, d), précité. Certains assureurs interprétaient cette disposition en ce sens qu’une contraction de terrain due à une sécheresse ne pouvait pas être considérée comme un glissement ou affaissement de terrain. La Cour déduit de la genèse de l’article 124, § 1er, d), de la loi du 4 avril 2014 que le législateur a toujours eu l’intention d’accorder également une garantie dans le cadre d’une contraction de terrain due à une sécheresse, de sorte que la rétroactivité de la disposition attaquée est dès lors justifiée.
Arrêt n˚ 85/2023
Le décret de la Communauté française du 17 juin 2021, qui crée des pôles territoriaux en vue d’augmenter l’inclusion des élèves à besoins spécifiques au sein de l’enseignement ordinaire, est discriminatoire sous deux aspects
Le décret de la Communauté française du 17 juin 2021 crée des structures locales (dites « pôles territoriaux ») en vue d’augmenter l’inclusion des élèves à besoins spécifiques au sein de l’enseignement ordinaire. L’association fédérative de l’enseignement catholique, le SeGEC, et l’ASBL Inclusion demandent l’annulation de plusieurs dispositions de ce décret.
La Cour juge qu’il n’est pas raisonnablement justifié que les pôles territoriaux placés sous la responsabilité d’une « école siège » relevant de l’enseignement organisé par la Communauté française bénéficient, en ce qui concerne leur fonctionnement, d’un financement plus important que les pôles territoriaux relevant d’un autre réseau d’enseignement. La Cour juge aussi qu’il est discriminatoire que les pôles territoriaux reçoivent un financement plus important pour les élèves en situation de handicap sensori-moteur, au détriment des élèves en situation de handicap intellectuel. La Cour annule donc les dispositions concernées du décret du 17 juin 2021. Elle en maintient toutefois les effets jusqu’à la fin de l’année scolaire 2025-2026, pour laisser au législateur le temps de prendre de nouvelles dispositions.
Arrêt n˚ 84/2023
À l’exception de l’habilitation au Comité de sécurité de l’information d’autoriser la communication de données à des tiers, la législation sur le traitement des données de vaccination contre la COVID-19 est constitutionnelle
L’accord de coopération du 12 mars 2021 prévoit que les données de vaccination des personnes vaccinées contre la COVID-19 sont enregistrées dans la base de données Vaccinnet. Une personne demande l’annulation des législations d’assentiment à cet accord de coopération. Selon elle, l’accord de coopération viole le droit au respect de la vie privée, le droit à la protection des données à caractère personnel et le principe de la non-rétroactivité des lois.
La Cour rejette la plupart des critiques de la partie requérante. La Cour juge que toutes les finalités spécifiques de l’enregistrement dans Vaccinnet ont un lien direct avec la campagne de vaccination, qu’elles sont suffisamment précises et qu’elles sont limitées au strict nécessaire. Selon la Cour, la durée de conservation des données de vaccination (au minimum 30 ans et au maximum jusqu’au décès de la personne vaccinée) est proportionnée à ces objectifs. Toutefois, la Cour annule la disposition qui habilite le Comité de sécurité de l’information à autoriser, dans certaines circonstances, que des données de vaccination enregistrées dans Vaccinnet soient communiquées à des tiers.
Arrêt n˚ 78/2023
La Cour rejette le recours en annulation du décret qui vise à assurer la continuité du service de la société de transport flamande De Lijn en cas de grève
Le décret de la Région flamande du 28 mai 2021 vise à assurer la continuité du service de la société de transport flamande De Lijn en cas de grève. Le décret prévoit que De Lijn peut, en cas de grève, adapter l’offre de transport garantie par les membres du personnel qui appartiennent aux catégories professionnelles essentielles et qui n’ont pas communiqué 72 heures avant le début du jour de grève leur intention de participer ou non à la grève. Trois syndicats, leurs présidents et deux travailleurs de la société De Lijn demandent l’annulation de ce décret.
La Cour rejette le recours en annulation. Elle juge que la Région flamande est compétente pour adopter le décret. La Cour juge ensuite que le décret est compatible avec la liberté syndicale, avec la liberté de conviction et d’expression et avec le droit d’action collective.
Arrêt n˚ 68/2023
La Cour rejette presque entièrement les recours en annulation de la législation relative au COVID Safe Ticket, à l’exception du régime flamand de soins résidentiels pour personnes vulnérables
L’autorité fédérale et les différentes entités fédérées ont conclu le 14 juillet 2021 un accord de coopération concernant l’utilisation du COVID Safe Ticket, modifié le 27 septembre et le 28 octobre 2021. Cet accord de coopération contient les règles relatives à l’utilisation du COVID Safe Ticket pour accéder à certains lieux ou événements pendant la pandémie de COVID?19. Les entités fédérées ont ensuite instauré le COVID Safe Ticket.
Quatorze recours ont été introduits contre la législation relative au COVID Safe Ticket. La Cour rejette presque entièrement les critiques formulées par les parties requérantes. Elle constate toutefois que le décret de la Communauté flamande du 29 octobre 2021 n’a pas élaboré des critères clairs quant à la mise en place optionnelle du COVID Safe Ticket dans les hôpitaux, les centres de soins résidentiels, les hôpitaux de revalidation et les établissements pour personnes handicapées. Les visiteurs de ces établissements ne peuvent donc pas suffisamment prévoir si l’utilisation du COVID Safe Ticket est obligatoire ou non.
Arrêt n˚ 65/2023
Pour être constitutionnel, l’article 464, 1°, du CIR 1992 doit être interprété comme n’interdisant pas aux communes de lever une taxe sur les recettes brutes des spectacles et divertissements
Les villes de Stavelot et de Malmedy réclament à la société « DDF1 » (aujourd’hui en faillite), qui organisait le Grand Prix de Spa-Francorchamps, le paiement d’une taxe sur les revenus des spectacles et divertissements. La Cour d’appel de Mons demande à la Cour constitutionnelle si l’article 464, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992) viole l’autonomie constitutionnelle fiscale des communes, en ce qu’il interdit à celles-ci de taxer les recettes brutes des spectacles organisés sur leur territoire.
La Cour juge que, dans une telle interprétation, l’article 464, 1°, du CIR 1992 limite le pouvoir fiscal des communes au-delà de ce qui est nécessaire. Dans cette interprétation, cette disposition viole l’article 170, § 4, alinéa 2, de la Constitution. La Cour précise toutefois que l’article 464, 1°, du CIR 1992 peut aussi être interprété comme ne contenant pas une telle interdiction. Dans cette dernière interprétation, l’article 464, 1°, du CIR 1992 est constitutionnel.
Arrêt n˚ 63/2023
L’octroi d’une habilitation étendue au Gouvernement wallon afin, en cas de crise, de garantir le droit à l’énergie des clients résidentiels touchés, moyennant confirmation des mesures par le législateur, est constitutionnel
À la suite des inondations de juillet 2021, le législateur wallon a conféré au Gouvernement wallon une habilitation étendue afin, dans le cadre de crises futures, de garantir le droit à l’énergie des clients résidentiels touchés (décret du 3 février 2022). L’ASBL « Fédération Belge des Entreprises Electriques et Gazières » (FEBEG) demande l’annulation de cette habilitation.
La Cour relève que le décret attaqué relève du droit à un logement décent visé à l’article 23 de la Constitution. Cela implique que le législateur doit déterminer l’objet des mesures que le Gouvernement peut prendre sur la base de cette habilitation. Toutefois, le législateur peut habiliter le Gouvernement à déterminer lui-même les mesures à prendre lorsque le respect de la procédure parlementaire ne lui permettrait pas de réaliser un objectif d’intérêt général, pour autant que les mesures soient confirmées par le législateur dans un bref délai. En outre, cette habilitation peut être faite en anticipation de circonstances exceptionnelles, à condition qu’à l’avance, le législateur ait précisément défini celles-ci, et que l’habilitation soit strictement limitée aux mesures nécessaires pour faire face à ces circonstances exceptionnelles. La Cour juge que le décret attaqué satisfait à ces conditions et rejette donc le recours.
Arrêt n˚ 59/2023
L’instauration par le législateur flamand de la condition de relativité et du devoir de vigilance en contentieux administratif viole le droit d’accès au juge et le droit à la protection d’un environnement sain
Plusieurs personnes et associations demandent à la Cour d’annuler l’article 6 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021. Selon cette disposition, la violation d’une norme ou d’un principe général de droit ne peut aboutir à l’annulation de l’acte administratif attaqué que (1) si la partie qui invoque la violation est lésée par l’illégalité dont elle se prévaut (la « lésion d’intérêts »), (2) si cette illégalité est en outre de nature à protéger les intérêts de cette partie (la « condition de relativité ») et (3) si cette partie n’a pas manifestement omis d’invoquer cette illégalité au moment le plus utile pendant la procédure administrative (le « devoir de vigilance »). La Cour contrôle ces trois conditions au regard du droit d’accès au juge et du droit à la protection d’un environnement sain. La Cour juge que la condition de la lésion d’intérêts peut résister à ce contrôle, mais que ce n’est pas le cas de la condition de relativité ni du devoir de vigilance. Elle annule donc les deux dernières conditions.
Arrêt n˚ 56/2023
En cas de gestation pour autrui, lorsque la gestatrice mariée et son mari n’ont pas de projet parental à l’égard de l’enfant, la présomption de paternité du mari doit pouvoir être contestée
Deux hommes en couple recourent à une gestation pour autrui. L’enfant est conçu par la fécondation des ovocytes d’une donneuse anonyme avec les spermatozoïdes de l’un d’eux. Comme la gestatrice est mariée, son mari est légalement présumé être le père de l’enfant. Le père biologique agit en justice pour contester la paternité du mari de la gestatrice et pour faire établir sa propre paternité. Selon le tribunal, cette action est irrecevable car le tribunal estime que le mari a consenti à l’insémination artificielle de son épouse (article 318, § 4, de l’ancien Code civil). Le tribunal demande à la Cour si cette disposition est constitutionnelle.
La Cour limite son examen à cette question, sans se prononcer sur la gestation pour autrui en tant que telle. La Cour conclut que, pour être constitutionnel, l’article 318, § 4, de l’ancien Code civil doit être interprété en ce sens que la présomption de paternité du mari peut être contestée en cas de gestation pour autrui par une femme mariée, lorsqu’elle et son mari n’ont pas de projet parental à l’égard de l’enfant. Ce dernier point doit être vérifié par le tribunal dans chaque cas concret.
Arrêt n˚ 53/2023
L’impossibilité pour les étrangers analphabètes de démontrer qu’ils ne peuvent pas acquérir la connaissance linguistique écrite requise pour obtenir la nationalité belge est inconstitutionnelle
La Cour doit répondre à deux questions préjudicielles concernant l’identité de traitement des étrangers qui souhaitent effectuer une déclaration visant à acquérir la nationalité belge, selon qu’ils sont analphabètes ou non. Les étrangers analphabètes doivent eux aussi disposer d’un niveau de connaissance linguistique A2 pour acquérir la nationalité belge. Cette exigence vaut non seulement pour la connaissance orale mais aussi pour la connaissance écrite de la langue.
La Cour juge qu’une telle exigence linguistique viole le principe d’égalité et de non-discrimination. Il est en effet possible qu’un groupe déterminé d’adultes analphabètes soit incapable d’acquérir un niveau de connaissance linguistique écrite A2, en raison de lacunes en matière de compétences et de notions linguistiques de base. Le législateur doit remédier à cette inconstitutionnalité. Dans l’attente de cette intervention, le juge qui a posé les questions préjudicielles doit déterminer, le cas échéant avec l’aide d’un expert, si les étrangers concernés sont capables ou non d’atteindre le niveau A2 dans son ensemble.
Arrêt n˚ 50/2023
La procédure de recours contre l’ordre de paiement d’amendes de roulage n’est pas contraire au droit à un procès équitable
Le Tribunal de première instance du Limbourg demande à la Cour si la procédure de recours contre l’ordre de paiement d’une amende de roulage n’a pas pour effet que les personnes doivent engager une action pénale contre elles-mêmes, ce qui serait contraire au droit à un procès équitable.
La Cour constate qu’une personne qui introduit un recours contre l’ordre de paiement n’engage pas une action pénale contre elle-même, mais met uniquement l’action pénale en mouvement. Pour des motifs d’économie de la procédure, le législateur a précisé en 2021 que le tribunal examine immédiatement l’infraction lors de la procédure de recours et qu’il ne doit pas d’abord renvoyer l’affaire au ministère public.
La Cour juge que cette règle est raisonnablement justifiée. Un ordre de paiement constitue le cinquième rappel pour payer une amende de roulage. Une personne qui introduit un recours contre cet ordre de paiement ne peut s’attendre à ce que le tribunal ne puisse pas examiner ensuite l’affaire quant au fond. Par ailleurs, cette personne peut se prévaloir des garanties qui découlent du droit à un procès équitable et le tribunal doit examiner si la preuve du ministère public satisfait à ces garanties. Une personne peut également en tout temps se désister du recours.
Arrêt n˚ 39/2023
La possibilité, prévue par le décret flamand de gouvernance, de rejeter une demande de divulgation de communications internes n'est pas inconstitutionnelle
Le décret flamand du 2 juillet 2021 introduit un nouveau motif d'exception dans le décret flamand de gouvernance qui permet de refuser une demande d'accès aux documents administratifs qui porte sur des communications internes. Cinq recours contre ce nouveau motif ont été introduits devant la Cour. Les parties requérantes sont d’avis que ce motif est contraire au droit d’accès aux documents administratifs, au principe d’égalité, à la protection juridique et aux droits de la défense.
La Cour rejette les recours. La Cour souligne que dans le cadre d’une demande de divulgation de communications internes, les instances publiques doivent toujours opérer une mise en balance entre l’intérêt de la confidentialité du processus décisionnel interne et l’intérêt de la divulgation des documents administratifs. Le nouveau motif d’exception ne peut être invoqué systématiquement, ni appliqué de manière automatique. Par ailleurs, le demandeur peut introduire un recours devant l’instance de recours compétente contre une décision, ou l’absence de décision, d’une instance publique. Les juridictions compétentes doivent veiller, en dernier ressort, à ce que les instances publiques ne fassent pas un usage impropre de ce motif d’exception.
Arrêt n˚ 36/2023
La Cour rejette le recours contre la loi d’assentiment au traité belgo-iranien, mais les victimes d’un condamné doivent être informées de son transfèrement pour pouvoir le soumettre au contrôle de légalité du juge
En 2021, A. Assadi, un diplomate iranien, a été condamné en Belgique pour une infraction terroriste. Le 11 mars 2022, la Belgique et l’Iran ont conclu un traité sur le transfèrement de personnes condamnées. Dix personnes et le « Conseil national de la Résistance iranienne » demandent l’annulation de la disposition portant assentiment à ce traité, parce que celui-ci permettrait de transférer A. Assadi en Iran, où il pourrait être aussitôt libéré. O. Vandecasteele, un Belge qui est détenu en Iran depuis février 2022 et qui a été condamné depuis lors à 40 ans de prison et à 74 coups de fouet, intervient dans la procédure pour s’opposer à cette demande.
Par son arrêt n° 163/2022, la Cour a suspendu en partie la disposition attaquée. Dans le cadre de l’examen au fond, par l’arrêt n° 36/2023, la Cour rejette le recours en annulation. Elle précise cependant qu’en cas de transfèrement d’un condamné, le Gouvernement doit procéder à une mise en balance concrète du devoir de protection au regard du droit à la vie et du droit à la dignité humaine. Cette mise en balance doit pouvoir être soumise au contrôle du tribunal de première instance. Ainsi, le Gouvernement, lorsqu’il prend une décision de transfèrement, doit en informer les victimes des agissements du condamné concerné de manière à ce qu’elles puissent effectivement en faire contrôler la légalité par le tribunal de première instance.
Arrêt n˚ 33/2023
La Cour rejette les différents recours en annulation de la loi Pandémie
La loi Pandémie prévoit un cadre global pour la lutte contre une situation d’urgence épidémique. Cette loi a fait l’objet de plusieurs recours en annulation. Après avoir déjà rejeté la demande de suspension de la loi Pandémie, la Cour rejette aussi les différents recours en annulation. Étant donné que la loi Pandémie laisse au Roi, au ministre de l’Intérieur, aux gouverneurs et aux bourgmestres le soin de déterminer concrètement les « mesures de police administrative » qui doivent être prises afin d’éviter ou de limiter les effets de la situation d’urgence épidémique pour la santé publique, la Cour ne contrôle que les dispositions et les habilitations que cette loi contient. La Cour juge que la loi Pandémie est compatible avec la Constitution. Il appartient au Conseil d’État et aux cours et tribunaux de vérifier concrètement si une mesure de police administrative spécifique prise en application de la loi respecte les dispositions de la Constitution.
Arrêt n˚ 32/2023
L’application immédiate des nouvelles règles wallonnes sur la durée du bail à ferme aux baux à ferme écrits en cours est inconstitutionnelle
Un décret wallon du 2 mai 2019 limite désormais la durée de principe du bail à ferme à 36 ans. Le législateur wallon a prévu une mesure transitoire pour les baux oraux en cours, qui peuvent être maintenus au moins jusqu’en 2037, mais pas pour les baux écrits en cours. Le nouveau régime, entré en vigueur début 2020, s’applique donc immédiatement à ces baux écrits, et les preneurs de bail à ferme visés peuvent être contraints de libérer aussitôt les parcelles concernées.
La Cour juge que cette différence de traitement entre les preneurs de bail à ferme, selon que le bail est oral ou écrit, est discriminatoire. Selon la Cour, cette différence de traitement porte aussi atteinte aux attentes légitimes des personnes concernées. Cette inconstitutionnalité découle de l’absence d’un régime transitoire pour les baux à ferme écrits en cours. Il appartient au législateur wallon de mettre en place un tel régime au plus tard pour le 31 décembre 2023. Dans l’intervalle, il convient d’appliquer aux baux écrits en cours la mesure transitoire qui est prévue pour les baux oraux en cours.
Arrêt n˚ 26/2023
Les législations flamande et bruxelloise instaurant l’obligation d’isolement et le traçage des contacts dans le cadre de la COVID-19 sont constitutionnelles, sauf sur deux points
Plusieurs recours en annulation ont été introduits contre deux décrets flamands du 10 juillet 2020 et du 18 décembre 2020, ainsi que contre une ordonnance de la Commission communautaire commune du 17 juillet 2020 instaurant l’obligation d’isolement et le traçage des contacts dans le cadre de la COVID-19. Ces normes prévoient une obligation d’isolement et d’auto-isolement, un contrôle du respect de celle-ci ainsi que des sanctions pénales pour les contrevenants. En outre, ils permettent l'échange de données à caractère personnel avec les communes concernant l’identité de la personne qui doit s’isoler, le lieu et la durée de l’isolement.
La Cour rejette la plupart des critiques. La Cour annule toutefois 1) les dispositions du décret du 18 décembre 2020 qui portent sur le traitement des données, avec maintien des effets jusqu’à l’entrée en vigueur d’une réglementation qui respecte la réglementation sur la protection de la vie privée, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023, et 2) la disposition du même décret et les mots contenus dans l’ordonnance du 17 juillet 2020 qui font référence, d’une part, à la notion de « zone à haut risque » et, d’autre part, à la notion de « zone rouge ».
Arrêt n˚ 6/2023
La loi sur la protection des malades mentaux n’est pas discriminatoire en ce qu’elle n’exclut pas qu’une personne avec une grave assuétude éthylique, toxicologique ou médicamenteuse puisse être considérée comme malade mentale
Le procureur du Roi de Namur demande au Juge de paix de confirmer la mise en observation d’une personne dans un établissement psychiatrique. Selon le Juge de paix, les personnes atteintes d’une assuétude éthylique, toxicologique ou médicamenteuse ne peuvent jamais être considérées comme malades mentales et ne peuvent donc jamais faire l’objet d’une telle mise en observation. Il demande à la Cour si la différence de traitement entre ces personnes et les personnes malades mentales est discriminatoire.
La Cour constate que la loi applicable n’exclut pas qu’une personne atteinte d’une grave assuétude éthylique, toxicologique ou médicamenteuse puisse être considérée comme malade mentale et puisse être mise en observation dans un établissement psychiatrique. Cela doit être apprécié dans chaque cas concret par le juge. La Cour en conclut que la différence de traitement est inexistante.
Arrêt n˚ 169/2022
La suspension intégrale des indemnités d’incapacité de travail d’un détenu sans personne à charge est constitutionnelle
Sur la base d’une loi de 2015, l’indemnité d’incapacité de travail est intégralement suspendue en cas d’incarcération. C’était déjà auparavant aussi le cas pour l’allocation de chômage. Il est demandé à la Cour si cette identité de traitement est compatible avec le principe d’égalité et avec les droits sociaux fondamentaux visés à l’article 23 de la Constitution.
La Cour examine la mesure en ce qu’elle s’applique aux détenus sans personne à charge. La Cour juge que le principe d’égalité, en ce qu’il s’oppose aussi au traitement similaire de situations différentes, n’est pas violé. Les deux indemnités sont en effet des revenus de remplacement pour les travailleurs qui ne peuvent plus obtenir un revenu du travail en raison de leur état de santé ou de leur situation sur le marché de l’emploi. Le législateur a pu considérer que l’incarcération, tant qu’elle dure, devient la cause déterminante de l’impossibilité à obtenir un revenu du travail. Le législateur peut donc suspendre aussi l’indemnité d’incapacité de travail dans cette situation. Bien que la loi de 2015 entraîne un recul significatif du droit à la sécurité sociale (auparavant, seule la moitié de l’indemnité d’incapacité de travail était suspendue), ce recul est néanmoins justifié par des motifs d’intérêt général.
Arrêt n˚ 165/2022
Les régimes bruxellois et wallon relatifs au mode de publication des règlements communaux ne sont pas inconstitutionnels
En Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne, les règlements communaux doivent être publiés par voie d’affichage. L’accomplissement de cette formalité doit être constaté par une annotation dans un registre. Dans le cadre de recours contre des taxes communales, plusieurs juridictions interrogent la Cour sur la constitutionnalité de ces régimes bruxellois et wallon relatifs au mode de publication des règlements communaux.
Par son arrêt n° 164/2022, la Cour juge qu’il n’est pas discriminatoire de prévoir des modes de publication différents pour les actes des communes wallonnes (publication par affichage et annotation dans un registre) et ceux des provinces wallonnes (publication au Bulletin provincial). Par un autre arrêt du même jour (n° 165/2022), la Cour juge que l’article 190 de la Constitution n’est pas violé lorsque le Gouvernement peut déterminer la forme de l’annotation, dans un registre spécifique, de la publication par voie d’affichage des règlements communaux.
Arrêt n˚ 164/2022
Les régimes bruxellois et wallon relatifs au mode de publication des règlements communaux ne sont pas inconstitutionnels
En Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne, les règlements communaux doivent être publiés par voie d’affichage. L’accomplissement de cette formalité doit être constaté par une annotation dans un registre. Dans le cadre de recours contre des taxes communales, plusieurs juridictions interrogent la Cour sur la constitutionnalité de ces régimes bruxellois et wallon relatifs au mode de publication des règlements communaux.
Par son arrêt n° 164/2022, la Cour juge qu’il n’est pas discriminatoire de prévoir des modes de publication différents pour les actes des communes wallonnes (publication par affichage et annotation dans un registre) et ceux des provinces wallonnes (publication au Bulletin provincial). Par un autre arrêt du même jour (n° 165/2022), la Cour juge que l’article 190 de la Constitution n’est pas violé lorsque le Gouvernement peut déterminer la forme de l’annotation, dans un registre spécifique, de la publication par voie d’affichage des règlements communaux.
Arrêt n˚ 163/2022
Suspension de la loi d’assentiment au traité belgo-iranien en ce qu’il permet le transfèrement vers l’Iran d’une personne condamnée en Belgique pour avoir commis une infraction terroriste avec le soutien de l’Iran
En 2021, A. Assadi, un diplomate iranien, a été condamné en Belgique à une peine de 20 ans de prison pour une infraction terroriste. Le 11 mars 2022, la Belgique et l’Iran ont conclu un traité sur le transfèrement de personnes condamnées. Dix personnes et le « Conseil national de la Résistance iranienne », qui étaient parties civiles au procès d’A. Assadi, demandent la suspension et l’annulation de la disposition portant assentiment à ce traité, parce que celui-ci permettrait de transférer le diplomate condamné en Iran, où il pourrait être aussitôt libéré. O. Vandecasteele, un Belge qui est détenu en Iran depuis février 2022, intervient dans la procédure pour s’opposer à cette demande.
La Cour juge que la disposition attaquée semble violer le droit à la vie des victimes en ce qu’elle permet de transférer en Iran une personne qui a été condamnée en Belgique pour avoir commis une infraction terroriste avec le soutien de l’Iran. En effet, la Belgique sait ou doit savoir que l’Iran n’exécutera pas effectivement la peine dans ce cas. La Cour considère que l’application immédiate de cette disposition pourrait causer un préjudice grave difficilement réparable aux dix personnes qui ont introduit la procédure devant la Cour. La Cour suspend la disposition attaquée dans la mesure précisée.
Arrêt n˚ 162/2022
L’extension de la consultation du point de contact central à certaines données bancaires et financières d’un contribuable est constitutionnelle
La loi-programme du 20 décembre 2020 étend la possibilité pour l’administration fiscale de consulter le point de contact central (PCC) aux données relatives au solde du compte bancaire et de paiement et au montant globalisé de certains contrats financiers détenus par un contribuable. La Cour rejette le recours en annulation contre l’obligation élargie de communiquer ces données au PCC. Bien que cette extension constitue une ingérence dans la vie privée des contribuables et des personnes qui ont réalisé des transactions financières avec ceux-ci, elle répond à un but légitime et est proportionnée à celui-ci.
Arrêt n˚ 159/2022
En raison de la primauté du droit de l’Union européenne, une juridiction peut ne pas être tenue de se conformer à un arrêt de cassation
Le Tribunal de première instance de Flandre orientale doit se prononcer à nouveau sur une affaire après que la Cour de cassation a cassé un jugement rendu précédemment dans cette affaire pour incompatibilité avec le droit de l’Union européenne. Ce Tribunal est légalement tenu de se conformer à cet arrêt de cassation. Il demande toutefois à la Cour si cette obligation n’est pas contraire au principe d’égalité et au droit d’accès au juge, en ce qu’il ne peut pas tenir compte des évolutions jurisprudentielles des plus hautes juridictions.
La Cour constate que cette affaire porte sur la situation exceptionnelle où la juridiction devant laquelle la Cour de cassation renvoie une affaire estime que l’arrêt de cassation est contraire à un arrêt rendu ultérieurement par la Cour de justice de l’Union européenne. La Cour conclut que la juridiction qui doit se prononcer à nouveau sur cette affaire doit pouvoir, dans ce cas, s’écarter de l’arrêt de cassation, afin de respecter la primauté et l’effectivité du droit de l’Union européenne.
Arrêt n˚ 155/2022
La Cour rejette les recours en annulation du décret flamand qui remplace les sociétés de logement social et les offices de location sociale par un seul acteur, la société de logement, à partir du 1er janvier 2023
Le décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement » réforme le secteur du logement social en remplaçant au 1er janvier 2023 les sociétés de logement social et les offices de location sociale par un seul et même acteur du logement, à savoir la société de logement, qui fait office d’interlocuteur unique pour le candidat-locataire social ou pour le candidat-acheteur social, au sein des zones d’activité à fixer par le Gouvernement flamand. Plusieurs demandes de suspension et recours en annulation dirigés contre ce décret ont été introduits devant la Cour. Par ses arrêts nos 19/2022 du 3 février 2022 et 37/2022 du 10 mars 2022, la Cour a rejeté les demandes de suspension, au motif que les parties requérantes n’avaient pas démontré que l’application immédiate de ce décret leur causait un préjudice grave difficilement réparable. Après jonction des différentes affaires, la Cour rejette maintenant aussi les recours en annulation.
Arrêt n˚ 148/2022
La Cour rejette, sauf sur un point, le recours d’Airbnb contre l’obligation pour les intermédiaires de transmettre au fisc les données nécessaires à la perception de la taxe bruxelloise sur les établissements d’hébergement touristique
À Bruxelles, les exploitants d’établissements d'hébergement touristique doivent payer une taxe régionale. Pour faciliter la perception de cette taxe, les intermédiaires (notamment les plateformes électroniques comme Airbnb) doivent transmettre au fisc certaines données sur les exploitants qui utilisent leurs services. Si l’intermédiaire ne transmet pas ces données, il risque une amende administrative de 10 000 euros. Airbnb demande l’annulation de la disposition qui impose ce devoir d’information.
La Cour juge que le devoir d’information imposé aux intermédiaires ne viole ni le droit de l’Union européenne, ni le droit au respect de la vie privée. En revanche, il est inconstitutionnel que le montant de l’amende ne puisse pas être réduit au regard de tous les éléments pertinents de la cause. La Cour annule la disposition attaquée dans cette mesure. La Cour maintient toutefois les effets de la disposition annulée pour les amendes infligées avant la date du prononcé du présent arrêt. Ces amendes subsistent donc.
Arrêt n˚ 147/2022
La Cour rejette les recours dirigés contre le décret flamand interdisant l’installation et le remplacement de chaudières à mazout
L’ASBL « Fédération belge des Négociants en Combustibles et Carburants », quatre fournisseurs de mazout et une personne qui chauffe son habitation à l’aide d’une chaudière à mazout ont introduit des recours en annulation du décret flamand du 22 octobre 2021. Le décret attaqué dispose que, à partir du 1er janvier 2022, plus aucune chaudière à mazout ne peut être installée dans de nouveaux bâtiments en Flandre. Dans les bâtiments existants aussi, plus aucune nouvelle chaudière à mazout ne peut être installée et plus aucune chaudière à mazout existante ne peut être remplacée par une autre chaudière à mazout, sauf si aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue. La Cour rejette les recours en annulation. La Cour juge que les règles répartitrices de compétences ne sont pas violées. Le législateur n'a pas non plus violé le principe d'égalité en appliquant l’interdiction uniquement aux chaudières à mazout et en l’imposant dans les rues où un réseau de gaz naturel est disponible.
Arrêt n˚ 138/2022
La Cour annule la disposition anti-abus spécifique et l’effet rétroactif de la disposition générale anti-abus, mais rejette, pour le surplus, les recours en annulation de la loi portant introduction d'une taxe sur les comptes-titres
Plusieurs personnes demandent à la Cour d’annuler la taxe, prévue par la loi du 17 février 2021, qui est due chaque année sur la détention d’un compte-titres d’une valeur supérieure à un million d’euros. Cette taxe s’accompagne d’une disposition spécifique anti-abus et d’une disposition générale anti-abus. La Cour annule la disposition anti-abus spécifique ainsi que l’effet rétroactif de la disposition générale anti-abus. Selon la Cour, ni le texte de la loi ni les travaux préparatoires ne précisent de manière suffisamment claire quelles sont les deux catégories d’opérations sur lesquelles porte la disposition anti-abus spécifique. Il n’est pas suffisamment prévisible pour les personnes concernées de savoir si elles sont soumises à la taxe. En ce qui concerne l’effet rétroactif de la disposition générale anti-abus, la Cour juge qu’il n’est pas justifié par des circonstances particulières. La Cour rejette les recours pour le surplus.
Arrêt n˚ 137/2022
Il n’est pas discriminatoire que les employeurs du secteur privé ne soient en principe pas obligés d’entendre leurs employés avant de les licencier pour motif grave
Un employeur du secteur privé qui envisage de licencier un employé pour motif grave n’est, en principe, pas tenu d’entendre préalablement cet employé. En revanche, une autorité publique qui envisage de mettre fin à la relation de travail d’un agent statutaire doit préalablement l’entendre, en vertu du principe audi alteram partem (principe de l’audition préalable). Le Tribunal du travail francophone de Bruxelles demande à la Cour si cette différence de traitement est discriminatoire.
La Cour juge que la différence de traitement est raisonnablement justifiée. Seules les autorités publiques doivent respecter le principe de l’audition préalable, qui exige d’entendre préalablement la personne à l’égard de laquelle une mesure grave est envisagée. Ce principe s’impose aux autorités publiques en raison de leur nature particulière et de leurs obligations de s’informer complètement avant d’agir et de protéger les personnes concernées contre le risque d’arbitraire.
Arrêt n˚ 134/2022
En ce qu’elle qualifie indistinctement de meurtre par empoisonnement tout non-respect des conditions et procédures à respecter lors de la pratique d’une euthanasie, la loi sur l’euthanasie est inconstitutionnelle
La Cour est interrogée sur la constitutionnalité de l’article 3 de la loi du 28 mai 2002 « relative à l’euthanasie ». En vertu de cette disposition, un médecin qui pratique l’euthanasie ne commet pas d’infraction si les circonstances visées dans cette disposition ainsi que les conditions et les procédures prescrites par la loi précitée sont respectées. La Cour doit déterminer si cette disposition est compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination, en ce qu’elle traite le non-respect d’une condition purement procédurale, telle la déclaration à la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation, de la même manière que le non-respect d’une condition fondamentale de l’euthanasie, telle la présence d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable. La Cour relève que le législateur considère comme essentielles toutes les conditions et procédures mentionnées dans la loi et qu’il en réprime le non-respect. Selon la Cour, l’application d’une seule et même incrimination, à savoir la qualification comme meurtre par empoisonnement, à tout non-respect de ces conditions et procédures, quelle qu’en soit l’importance, n’est toutefois pas raisonnablement justifiée.
Arrêt n˚ 121/2022
Il est discriminatoire que le traitement d’un enseignant de la Communauté française qui est suspendu préventivement et poursuivi pénalement soit automatiquement réduit, alors qu’une telle mesure n’existe pas pour d’autres agents
Lorsqu’un enseignant de la Communauté française est suspendu préventivement et est poursuivi pénalement, son traitement est automatiquement réduit de moitié. Cela n’est pas le cas pour les autres agents de la Communauté française dans la même situation. La Cour est interrogée sur cette différence de traitement.
La Cour juge que cette différence de traitement n’est pas raisonnablement justifiée. En effet, la mesure s’applique à toute poursuite pénale et pas uniquement quand il s’agit de faits graves contre des enfants. L’objectif du législateur était pourtant de protéger les enfants et d’assurer la sérénité dans l’école. Par ailleurs, selon la Cour, la réduction automatique de traitement n’est pas une mesure qui est en soi pertinente eu égard à l’objectif de protéger les personnes vulnérables qui sont en contact avec l’agent concerné.
Arrêt n˚ 120/2022
La Région de Bruxelles-Capitale peut classer les biens mobiliers qui sont indissociablement liés à un monument, sans toutefois pouvoir porter atteinte à la compétence fédérale de gérer le musée lié au monument
Le Conseil d’État interroge la Cour à propos d’une disposition du Code bruxellois de l’aménagement du territoire, interprétée comme permettant au Gouvernement bruxellois de classer deux salles entières d’un musée fédéral, y compris les objets qui s’y trouvent. Selon l’État belge et le War Heritage Institute, qui gère le Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire, la Région de Bruxelles-Capitale aurait excédé les limites de ses compétences.
La Cour juge que la Région de Bruxelles-Capitale est compétente pour régler la protection des biens mobiliers qui font partie intégrante d’un monument en vue d’exercer utilement sa compétence en matière de monuments et sites. Cependant, seuls les biens mobiliers indissociablement liés à un monument entrent en ligne de compte. Par ailleurs, le classement ne doit pas rendre impossible ou exagérément difficile l’exercice par l’autorité fédérale de sa compétence relative aux établissements scientifiques fédéraux.
Arrêt n˚ 119/2022
L’absence d’un pourvoi en cassation contre la décision du président de la cour d’assises de ne pas inclure certains témoins dans la liste des témoins est discriminatoire
La Cour de cassation interroge la Cour constitutionnelle sur l’impossibilité pour les parties d’introduire un pourvoi en cassation contre la décision du président de la cour d’assises de ne pas inclure certains témoins dans la liste des témoins. La Cour de cassation attire l’attention sur la différence de traitement entre les parties devant la cour d’assises et les parties devant d’autres juridictions pénales qui peuvent introduire un pourvoi en cassation contre un tel refus.
Compte tenu du droit à un procès équitable, la Cour juge que cette différence de traitement est discriminatoire pour les parties dans une procédure d’assises. La préoccupation du législateur d’accélérer la procédure d’assises n’explique en effet pas pourquoi un pourvoi en cassation différé ne serait pas possible. Le constat de cette inconstitutionnalité a pour conséquence que les parties pourront recourir au pourvoi en cassation différé de droit commun.
Arrêt n˚ 118/2022
Il est discriminatoire de ne pas exonérer du paiement des droits d’enregistrement complémentaires l’acquéreur d’un immeuble à Bruxelles qui, en raison d’un cas de force majeure, s’installe dans celui-ci plus de deux ans après l’achat
La législation bruxelloise applicable en 2009 prévoyait une réduction de la base imposable des droits d’enregistrement en cas d’achat d’une habitation propre, moyennant le respect de plusieurs conditions. L’acquéreur devait notamment établir sa résidence principale dans l’immeuble dans les deux ans de l’enregistrement de l’acte d’achat et il devait maintenir sa résidence principale en Région de Bruxelles-Capitale pendant au moins cinq ans.
La Cour est interrogée sur les effets différents de la survenance d’un cas de force majeure en cas de non-respect de l’une ou l’autre de ces deux conditions : l’acquéreur qui, en raison d’un cas de force majeure, établit sa résidence principale dans l’immeuble plus de deux ans après son acquisition, doit payer des droits d’enregistrement complémentaires, alors que l’acquéreur qui, aussi en raison d’un cas de force majeure, ne maintient pas sa résidence principale en Région de Bruxelles-Capitale pendant au moins cinq ans, est exonéré. Au regard des objectifs du législateur bruxellois, la Cour juge que cette différence de traitement est discriminatoire.
Arrêt n˚ 117/2022
La limitation à 24 mois (avant 2021) de l’allocation de transition pour le conjoint survivant avec un enfant, indépendamment de l’âge de celui-ci, est inconstitutionnelle
Deux juridictions interrogent la Cour sur plusieurs modifications apportées en 2014 et 2015 au régime de la pension de survie du conjoint survivant.
Selon la Cour, le relèvement progressif de 45 à 50 ans de l’âge requis pour bénéficier d’une pension de survie est constitutionnel. Le législateur pouvait également supprimer la dérogation à cette condition d’âge pour le conjoint survivant avec enfant à charge sans violer la Constitution.
Par ailleurs, le législateur a prévu une allocation de transition temporaire pour le conjoint survivant qui n’a pas l’âge de bénéficier d’une pension de survie. Jusqu’en 2021, pour le conjoint survivant avec enfant à charge, cette allocation de transition était toutefois limitée à 24 mois, indépendamment de l’âge de l’enfant. La Cour juge cette limite inconstitutionnelle.
Arrêt n˚ 110/2022
La Cour juge que la législation sur le traçage manuel et numérique des contacts pour lutter contre le COVID-19 est constitutionnelle, sauf sur trois points
L’accord de coopération du 25 août 2020 organise le traçage manuel et numérique des personnes (présumées) infectées par le COVID-19 et de leurs contacts. Pour cela, il crée plusieurs bases de données. L’ASBL « Vivant Ostbelgien », plusieurs députés germanophones et l’ASBL « Ligue des droits humains » demandent l’annulation des législations d’assentiment à cet accord de coopération. Selon elles, l’accord de coopération viole le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel.
La Cour rejette la majorité des critiques des parties requérantes. Toutefois, la Cour juge inconstitutionnelles : (1) l’absence de désignation d’organes au niveau des entités fédérées comme responsables conjoints du traitement de la base de données centrale créée chez Sciensano et (2) l’absence de délai maximal de conservation pour les données personnelles contenues dans une autre base de données. La Cour annule les dispositions concernées mais en maintient temporairement les effets. Par ailleurs, la Cour annule l’habilitation conférée au Comité de sécurité de l’information d’autoriser la communication de données personnelles à des tiers à des fins de recherche scientifique.
Arrêt n˚ 109/2022
La Cour répond à des questions préjudicielles concernant la constitutionnalité de la loi sur la sécurité civile sur la base de laquelle le ministre de l’Intérieur a pris des mesures en vue de lutter contre la pandémie de COVID-19
La loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile habilite le ministre de l’Intérieur à prendre certaines mesures en cas de circonstances dangereuses, en vue d’assurer la protection de la population. Le non-respect de ces mesures est sanctionné pénalement. Le ministre a utilisé cette habilitation pour limiter la propagation du coronavirus (qui est à l’origine de la pandémie de COVID-19), en contraignant les personnes à rester chez elles. La Cour est interrogée sur la constitutionnalité de cette loi à propos de poursuites concernant des personnes ayant enfreint les mesures ministérielles.
La Cour juge que l’habilitation conférée au ministre de l’Intérieur ne viole pas le principe de légalité en matière pénale. Dès lors qu’il s’agit de situations de risque et d’urgence différentes qui ne sauraient être définies complètement et en détails, le législateur a pu choisir des termes larges pour permettre d’agir adéquatement face à ces risques. Le législateur a par ailleurs suffisamment encadré cette habilitation. La Cour considère en revanche qu’il n’est pas justifié d’interdire au juge compétent de tenir compte de circonstances atténuantes lorsqu’il statue sur les infractions à ces mesures.
Arrêt n˚ 96/2022
Le relèvement de 55 à 65 % de la proportion de places réservées en priorité aux élèves dont l’un des parents maîtrise suffisamment le néerlandais dans les écoles néerlandophones à Bruxelles est constitutionnel
Par un décret du 17 mai 2019, le législateur décrétal flamand a porté de 55 à 65 % la proportion de places réservées en priorité dans les écoles néerlandophones en région bilingue de Bruxelles-Capitale aux élèves dont l’un des parents maîtrise suffisamment le néerlandais. Le même décret instaure un nouveau régime de priorité, à hauteur de 15 % des places disponibles, pour les élèves ayant accompli 9 ans dans l’enseignement fondamental en néerlandais.
Le Collège de la Commission communautaire française et le Gouvernement de la Communauté française demandent l’annulation de ces mesures. La Cour juge que le relèvement à 65 % du nombre de places réservées est raisonnablement justifié dès lors qu’il correspond à un besoin réel et qu’il n’empêche pas la Communauté flamande d’accueillir une part équitable des élèves qui n’ont ni le néerlandais ni le français comme langue familiale. La Cour considère en revanche que, si le législateur peut exiger le suivi d’un nombre minimal d’années d’enseignement fondamental en néerlandais pour qu’un élève soit prioritaire, la durée minimale de neuf années est excessive. La Cour annule donc cette condition et rejette les recours pour le surplus.
Arrêt n˚ 82/2022
La Cour annule les nouveaux objectifs finaux pour les deuxième et troisième degrés de l’enseignement secondaire de la Communauté flamande, mais maintient les effets des dispositions annulées jusqu’à l’année scolaire 2024-2025 incluse
Plusieurs parties ont demandé à la Cour de suspendre et d’annuler les nouveaux objectifs finaux que la Communauté flamande a fixés pour les deuxième et troisième degrés de l’enseignement secondaire. La Cour a rejeté les demandes de suspension par son arrêt no 113/2021 du 22 juillet 2021. Elle annule à présent les nouveaux objectifs finaux. Ceux-ci sont tellement vastes et détaillés, selon la Cour, qu’ils présentent les caractéristiques d’un programme d’enseignement complet, de sorte qu’ils peuvent être de nature à constituer un obstacle fondamental, pour les écoles, à la réalisation d’un projet pédagogique propre. Les objectifs finaux attaqués violent l’article 24, § 1er, de la Constitution, qui garantit aux pouvoirs organisateurs de l’enseignement le droit de déterminer leur propre projet pédagogique et d’en poursuivre la réalisation. La Cour maintient toutefois les effets des dispositions annulées jusqu’à l’année scolaire 2024-2025 incluse.
Arrêt n˚ 81/2022
Le régime transitoire de la législation bruxelloise sur les allocations familiales est constitutionnel mais l’application aux enfants nés en décembre 2019 de la réduction de 10 euros des allocations familiales de base est discriminatoire
Le Tribunal du travail francophone de Bruxelles pose à la Cour des questions préjudicielles sur deux dispositions de la législation bruxelloise sur les allocations familiales, en ce qui concerne les enfants nés en décembre 2019.
La première disposition prévoit qu’une famille continue à bénéficier de l’ancien régime fédéral des allocations familiales si le montant total des allocations familiales qu’elle perçoit dans ce régime en décembre 2019 est supérieur au montant du nouveau régime bruxellois. Pour calculer ce montant total, il ne peut pas être tenu compte de la naissance d’un enfant en décembre 2019 car les allocations familiales pour cet enfant sont perçues pour la première fois le mois suivant. Selon la Cour, cela n’est pas inconstitutionnel.
Selon la seconde disposition, les allocations familiales de base sont réduites de 10 euros pour les enfants nés avant le 1er janvier 2020 lorsque le nouveau régime bruxellois est plus avantageux que l’ancien régime fédéral. Il est discriminatoire que cette disposition s’applique aussi aux enfants nés en décembre 2019.
Arrêt n˚ 76/2022
La Cour rejette le recours contre les lois qui rendent imprescriptibles les infractions sexuelles commises sur des personnes mineures
Les ASBL « Ligue des droits humains » et « Association Syndicale des Magistrats » demandent l’annulation des lois du 14 novembre 2019 et du 5 décembre 2019 qui rendent imprescriptibles les infractions sexuelles commises sur des personnes mineures.
La Cour rejette le recours. Le régime d’imprescriptibilité est fixé sur la base d’un double critère : le caractère sexuel de l’infraction et la minorité de la victime. La Cour juge que ce double critère est objectif et pertinent. En effet, la situation des victimes mineures d’infractions sexuelles est unique à bien des égards. En raison de leur jeune âge et de l’aspect traumatisant d’une atteinte à leur intégrité sexuelle, un délai considérable peut leur être nécessaire pour prendre conscience de la gravité des faits et aussi pour les dénoncer. Enfin, la Cour juge que les lois attaquées ne produisent pas d’effets disproportionnés en ce qui concerne le droit à un procès équitable.
Arrêt n˚ 75/2022
La Cour annule un article du Code belge de la navigation en ce qu’il empêche le débarquement de certains passagers clandestins découverts à bord d’un navire et en ce qu’il ne prévoit pas de garanties pour le maintien à bord
Plusieurs associations demandent l’annulation de dispositions du Code belge de la navigation relatives aux passagers clandestins qui sont découverts à bord d’un navire belge ou d’un navire qui se situe dans un port belge. Ces dispositions prévoient le maintien à bord du navire de tous les passagers clandestins, qui ne peuvent débarquer qu’en cas d’éloignement du territoire.
La Cour juge que le recours est en partie fondé. Elle annule l’article 2.4.4.2 du Code en ce qu’il ne permet pas le débarquement de quatre catégories spécifiques de passagers clandestins. Cela concerne les passagers clandestins de nationalité belge ou admis au séjour en Belgique, ceux qui demandent la protection internationale (pendant l’examen de leur demande), les mineurs étrangers non accompagnés et ceux dont l’état de santé requiert un traitement médical urgent. La Cour annule aussi le même article en ce que les passagers clandestins maintenus à bord du navire ne bénéficient pas de plusieurs garanties, telles que la faculté d’introduire un recours concernant la légalité de leur détention ou une durée maximale de détention. Elle rejette le recours pour le surplus.
Arrêt n˚ 69/2022
La Cour annule la suspension temporaire, dans le cadre de la pandémie de Covid-19, des délais pour contester des actes administratifs relevant de la Région wallonne devant le Conseil d’État, mais en maintient les effets
Dans le cadre de la gestion de la pandémie de Covid-19, le Gouvernement wallon a pris un arrêté de pouvoirs spéciaux suspendant temporairement les délais pour agir en annulation devant le Conseil d’État contre les actes administratifs ou la réglementation wallons. L’article 2 du décret de la Région wallonne du 3 décembre 2020 confirme cette suspension temporaire. Une société concernée par un recours dont la recevabilité est influencée par la mesure demande l’annulation de celle-ci à la Cour.
La Cour annule la disposition attaquée pour violation des règles répartitrices de compétences. Cette disposition empiète sur la compétence fédérale relative à la fixation des règles de procédure devant le Conseil d’État. La Région wallonne ne peut pas justifier cet empiètement en recourant à la technique des compétences implicites. La Cour maintient cependant définitivement les effets de la mesure, pour éviter toute insécurité juridique concernant le calcul des délais pour agir devant le Conseil d’État.
Arrêt n˚ 60/2022
Il est discriminatoire qu’un titulaire d’autorisation LVC bruxelloise demandée après le 15 janvier 2021 ne bénéficie pas du régime transitoire permettant de fournir des services de taxis via UberX. La Cour suspend cette date charnière
À la suite d’un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 23 novembre 2021, Uber a décidé de rendre sa plateforme UberX inaccessible aux titulaires d’une autorisation bruxelloise de location de voitures avec chauffeur (autorisation LVC). Le législateur bruxellois a alors adopté un régime transitoire qui permet temporairement de fournir des services de taxis via une plateforme électronique comme UberX. Ce régime transitoire est réservé aux titulaires d’une autorisation LVC qui a été demandée au plus tard le 15 janvier 2021. Plusieurs personnes ayant introduit une demande d’autorisation LVC après le 15 janvier 2021 demandent la suspension de cette date charnière.
La Cour ordonne la suspension de la date charnière du 15 janvier 2021. La Cour constate que cette date coïncide avec un autre arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles. Cette date n’est toutefois pas pertinente au regard de l’objectif du législateur de faire bénéficier le régime transitoire uniquement aux exploitants de bonne foi. En effet, l’arrêt du 15 janvier 2021 n’avait pas ordonné la cessation de l’exploitation de la plateforme UberX.
Arrêt n˚ 54/2022
L’exclusion du service de secours bruxellois (SIAMU) du bénéfice des dotations fédérales octroyées aux zones de secours et son financement fédéral spécifique sont discriminatoires
Dans le cadre d’un litige opposant l’État belge à la Région de Bruxelles-Capitale et au service de secours bruxellois (SIAMU), la Cour d’appel de Bruxelles demande à la Cour constitutionnelle si la réglementation du financement fédéral du SIAMU est discriminatoire par comparaison à celle des zones de secours et des prézones dans le reste du pays.
La Cour constate qu’aucun critère de répartition préétabli ne détermine à quelle part le SIAMU a droit dans le montant total des dotations fédérales qui sont octroyées aux zones de secours et au SIAMU. L’isolement du SIAMU dans une enveloppe budgétaire distincte et son exclusion des critères de répartition qui s’appliquent aux zones de secours, peuvent désavantager le SIAMU. Par conséquent, cette réglementation est discriminatoire. En revanche, la Cour juge qu’il est raisonnablement justifié que le SIAMU n’ait pas bénéficié des dotations fédérales qui ont été octroyées aux prézones.
Arrêt n˚ 48/2022
L’enfant majeur dont seule la filiation maternelle est établie et qui a agi avec succès en recherche de paternité doit pouvoir porter le nom de son père biologique
L’enfant majeur dont la filiation paternelle est modifiée à la suite d’une action en contestation et en recherche de paternité peut choisir de porter le nom de son père biologique en faisant une déclaration en ce sens au tribunal (article 335, § 4, de l’ancien Code civil). L’enfant majeur dont la filiation paternelle est établie pour la première fois après la filiation maternelle ne le peut pas. La Cour est interrogée sur la constitutionnalité de cette différence de traitement.
La Cour juge que l’article 335, § 4, de l’ancien Code civil viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il ne permet pas à l’enfant majeur qui, dans cette situation, a introduit avec succès une action en recherche de paternité de porter le nom de son père biologique, seul ou accolé à celui de sa mère.
Arrêt n˚ 33/2022
La Cour rejette le recours contre la loi du 22 mai 2019 qui modifie la législation relative à la gestion des données à caractère personnel par les services de police
La loi du 22 mai 2019 concrétise le cadre général applicable au traitement des données à caractère personnel par les services de police. L’ASBL « Ligue des droits humains » demande l’annulation de plusieurs dispositions de cette loi.
La Cour rejette le recours. Elle juge que les règles applicables au traitement des données sensibles sont constitutionnelles. Elle rejette également les critiques dirigées contre l’interconnexion des banques de données policières. Enfin, la Cour considère que les règles relatives à l’accès direct des services de renseignement et de sécurité à la banque de données nationale générale (BNG) ménagent un juste équilibre entre le droit au respect de la vie privée et la protection de la sécurité nationale.
Arrêt n˚ 32/2022
La Cour suspend partiellement le décret de la Communauté française relatif au plan d’investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le cadre du plan de reprise et résilience européen
Le SeGEC, l’Union francophone des Associations de parents de l’Enseignement catholique, des pouvoirs organisateurs du réseau d’enseignement libre subventionné, des enseignants et des parents demandent la suspension et l’annulation du décret de la Communauté française du 30 septembre 2021 « relatif au plan d’investissement dans les bâtiments scolaires établi dans le cadre du plan de reprise et résilience européen ».
La Cour suspend partiellement le décret attaqué. Elle juge que la clé de répartition des subventionnements entre le réseau de la Communauté française (41,15 %), le réseau officiel subventionné (34,12 %) et le réseau libre subventionné (24,73 %) ne paraît pas raisonnablement justifiée. Il en va de même de la différence entre les taux de financement des projets du réseau de la Communauté française et ceux du réseau libre subventionné. Le préjudice financier pour les pouvoirs organisateurs qui ne bénéficieront pas des subsides auxquels ils auraient pu prétendre doit être considéré comme grave et difficilement réparable.
Arrêt n˚ 31/2022
La notion d’« opérations de gestion normale d’un patrimoine privé » ne viole pas les principes de légalité et d’égalité en matière fiscale
La Cour de cassation demande à la Cour si la notion d’« opérations de gestion normale d’un patrimoine privé » viole les principes de légalité et d’égalité en matière fiscale. C’est sur la base de ce critère de normalité que l’administration fiscale et le juge apprécient si des opérations concrètes sont « normales » ou « anormales ». Seuls les bénéfices ou profits occasionnels provenant d’opérations de gestion normale d’un patrimoine privé sont exclus de la qualification de revenus divers.
La Cour juge que le pouvoir d’appréciation que le législateur confère à l’administration fiscale et au juge pour interpréter la notion d’« opérations de gestion normale d’un patrimoine privé » sur la base du critère de la « personne prudente et raisonnable » est suffisamment précis et prévisible. Le législateur a en outre prévu des garanties pour protéger le contribuable contre l’arbitraire. Par conséquent, l’article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, dans sa version applicable à l’exercice d’imposition 2010, ne viole pas les principes de légalité et d’égalité en matière fiscale.
Arrêt n˚ 29/2022
La personne frappée d’un handicap avant 65 ans mais qui introduit sa première demande d’aide après 65 ans doit pouvoir bénéficier, dans certains cas, de l’aide individuelle à l’intégration pour l’achat de produits d’assistance
Les personnes qui ont été frappées d’un handicap avant 65 ans peuvent bénéficier de l’aide individuelle à l’intégration si elles ont introduit leur première demande d’aide avant 65 ans mais pas si elles l’introduisent après 65 ans (article 275 du Code wallon de l’action sociale et de la santé). La Cour est interrogée sur cette différence de traitement.
Lorsqu’une personne handicapée introduit une première demande d’intervention après 65 ans, elle n’est en principe pas exclue de toute intervention, puisqu’elle relève alors du régime d’aide aux personnes âgées. Il en va toutefois autrement en ce qui concerne l’aide individuelle à l’intégration pour l’achat de produits d’assistance. Dans un tel cas, la personne est exclue de cette aide et elle ne peut pas demander une autre aide pour se procurer les produits d’assistance nécessaires, même s’il n’est pas contesté que le handicap est survenu avant 65 ans et que les frais relatifs à ces produits d’assistance sont directement liés à son handicap. Dans cette hypothèse, la différence de traitement n’est pas raisonnablement justifiée.
Arrêt n˚ 26/2022
La Cour rejette le recours en annulation de la loi du 15 mars 2020, qui modifie la législation en matière d’euthanasie
Plusieurs particuliers, dont trois médecins, demandent l’annulation de plusieurs dispositions de la loi du 15 mars 2020, qui modifie la loi du 8 mai 2002 relative à l’euthanasie.
Selon la Cour, en ce qu’il est dirigé contre l’interdiction pour les établissements de soins d’interdire les euthanasies en leur sein, le recours n’est pas recevable, à défaut pour les requérants d’établir qu’ils sont directement affectés par cette interdiction. Pour le reste, la Cour juge que la loi du 15 mars 2020 est constitutionnelle. D’une part, l’obligation, pour le médecin qui refuse de pratiquer une euthanasie, d’orienter le patient ou la personne de confiance vers un organisme spécialisé en matière de droit à l’euthanasie ne viole pas la liberté de conscience de ce médecin et respecte les droits du patient. D’autre part, il est raisonnablement justifié que la déclaration par laquelle une personne déclare qu’elle souhaite une euthanasie dans le cas où elle ne pourrait plus manifester sa volonté ait désormais une durée indéterminée, au lieu de cinq ans comme auparavant, compte tenu de la possibilité de retirer et d’adapter la déclaration à tout moment.
Arrêt n˚ 23/2022
L’absence de mention des voies et délais de recours disponibles lors de la signification par exploit d’huissier d’un jugement à un justiciable viole le droit d’accès au juge
La Cour d’appel de Mons interroge la Cour sur la constitutionnalité de l’article 43 du Code judiciaire, en ce qu’il n’impose pas que l’exploit de signification d’un jugement mentionne, à peine de nullité, les voies de recours, le délai dans lequel ce ou ces recours doivent être introduits, ainsi que la juridiction compétente pour en connaître.
Selon la Cour, afin de pouvoir garantir l’exercice effectif des recours, le justiciable à qui un jugement est signifié doit être suffisamment informé des modalités de recours contre ce jugement. La Cour en conclut que la disposition en cause, en ce qu’elle ne contient pas une telle garantie, viole le droit d’accès au juge.
La Cour maintient toutefois les effets de la disposition jusqu’à ce que le législateur remédie à l’inconstitutionnalité constatée, et ce au plus tard jusqu’au 31 décembre 2022.
Arrêt n˚ 22/2022
La loi qui renforce les contrôles sur l’aide médicale urgente octroyée aux étrangers en séjour illégal en Belgique, est constitutionnelle sous réserve de certaines interprétations
L’aide médicale urgente est la seule aide sociale qui peut être octroyée à un étranger en séjour illégal en Belgique. La loi du 29 mars 2018 renforce les contrôles relatifs à cette aide, sans modifier les conditions pour recevoir cette aide. À cet effet, la loi crée la fonction de médecin-contrôle au sein de la Caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité. Plusieurs associations ont introduit un recours en annulation contre cette loi. La Cour rejette le recours, sous réserve de certaines interprétations. La Cour juge que la loi attaquée ne confie pas au médecin-contrôle un contrôle d’opportunité des soins prodigués dans le cadre de l’aide médicale urgente. Il n’est pas porté atteinte au principe d’appréciation souveraine du médecin traitant qui, sur la base de sa responsabilité déontologique, détermine quels soins il estime nécessaires et urgents. Les contrôles portent sur le caractère exclusivement médical de l’aide, sur l’existence d’un certificat médical attestant du caractère urgent de celle-ci et sur l’existence d’une enquête sociale préalable du CPAS.
Arrêt n˚ 15/2022
Le législateur doit prévoir une voie de recours préventive effective pour le suspect dans le cadre d’une information en vue d’accélérer l’avancement d’une enquête pénale de longue durée
Lorsqu’une instruction n’est pas clôturée après une année, l’inculpé peut demander à la chambre des mises en accusation de contrôler l’avancement de cette instruction. Le Code d’instruction criminelle ne confère pas un droit similaire au suspect dans le cadre d’une information. La chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Gand demande à la Cour si cela n’est pas discriminatoire au regard du droit à un procès équitable et du droit à un recours effectif. La Cour constate que la phase préparatoire du procès pénal peut prendre la forme soit d’une information, soit d’une instruction. Selon elle, ce critère de distinction n’est pas pertinent pour établir si l’on peut ou non bénéficier du contrôle juridictionnel des enquêtes pénales de longue durée. Il appartient au législateur d’instaurer une telle voie de recours pour les informations de longue durée. Dans l’attente de l’intervention de ce dernier, il appartient à la chambre des mises en accusation de mettre fin à l’inconstitutionnalité en appliquant par analogie, dans le cadre d’une information, la réglementation existante relative aux instructions.
Arrêt n˚ 11/2022
La réglementation selon laquelle la contribution au fonds d’aide juridique est laissée à charge du demandeur qui obtient gain de cause contre un défendeur bénéficiant de l’aide juridique de deuxième ligne, est inconstitutionnelle
Lors de l’introduction d’une action en justice, le demandeur doit, en vertu de la loi du 19 mars 2017, en principe payer une contribution au fonds d’aide juridique. Si le demandeur gagne le procès, le défendeur rembourse en principe la contribution. Ce n’est toutefois pas le cas si le défendeur bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne ou de l’assistance judiciaire. Le Juge de paix d’Arlon demande à la Cour si cette réglementation est discriminatoire.
La Cour constate que le législateur poursuit un double objectif. Premièrement, il veut faire supporter la contribution par la partie succombante. Deuxièmement, il veut ne pas faire supporter la contribution par la partie succombante si celle-ci bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne ou de l’assistance judiciaire. La Cour juge que la disposition est pertinente à la lumière du second objectif, mais pas au regard du premier. Le double objectif du législateur pourrait être pleinement rencontré si le fonds remboursait la contribution au demandeur lorsque celui-ci obtient gain de cause contre un défendeur qui bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne ou de l’assistance judiciaire.
Arrêt n˚ 10/2022
La Cour rejette les demandes de suspension des normes législatives donnant assentiment à deux accords de coopération relatifs à l’utilisation du COVID Safe Ticket et du décret flamand relatif au COVID Safe Ticket
L’autorité fédérale et plusieurs entités fédérées ont conclu un accord de coopération le 14 juillet 2021 concernant l’utilisation du COVID Safe Ticket (CST), lequel a été modifié par des accords de coopération du 27 septembre et du 28 octobre 2021. Il contient les règles relatives à l’utilisation du CST en vue d’accéder à certains lieux ou évènements dans le contexte de la pandémie du coronavirus COVID-19. Le décret flamand sur le CST met en œuvre cet accord de coopération modifié.
Plusieurs particuliers et une ASBL demandent l’annulation et la suspension des normes législatives donnant assentiment à ces deux accords de coopération modificatifs, ainsi que du décret flamand. Selon la Cour, les parties requérantes ne démontrent pas que l’application immédiate des dispositions attaquées risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable. La Cour rejette dès lors les demandes de suspension. Elle doit encore se prononcer, à un stade ultérieur, sur les recours en annulation.
Arrêt n˚ 9/2022
La perception d’un droit d’enregistrement de 10 % sur la valeur de la cession totale ou partielle d’un immeuble d’une société anonyme à un de ses associés est constitutionnelle
La Cour de cassation interroge la Cour constitutionnelle au sujet des droits d’enregistrement qui sont perçus lorsqu’une société anonyme et un de ses associés achètent ensemble un bien immeuble et que l’associé achète ensuite les droits indivis de la société anonyme dans ce bien. Selon le Service flamand des impôts, un immeuble est ainsi sorti d’une société anonyme, de sorte que le droit proportionnel de vente de 10 % est applicable.
Selon la Cour, cette interprétation est conforme aux objectifs poursuivis par le législateur. Tout d’abord, le législateur entendait éviter que l’acheteur d’un bien immeuble puisse échapper au paiement des droits d’enregistrement en organisant l’achat via une société. De plus, le législateur a estimé que chaque transaction par laquelle une société anonyme cède un immeuble à un de ses associés constitue une transaction économique suffisamment significative pour justifier l’application du droit proportionnel de vente. La Cour juge que l’interprétation de l’article 130 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe qui lui est soumise n’est pas manifestement déraisonnable et qu’elle ne viole pas le droit de propriété du contribuable.
Arrêt n˚ 7/2022
La Cour annule certaines modalités de la loi du 20 juillet 2020, qui prévoit, entre autres, qu’une personne n’est pas honorable pour exercer la profession de réviseur d’entreprises en cas de condamnation pour infraction à la loi anti-blanchiment
La loi du 20 juillet 2020 prévoit, entre autres, qu’une personne qui est condamnée à une amende pénale pour une infraction à la législation anti-blanchiment est considérée comme n’étant pas honorable pour exercer la profession de réviseur d’entreprises. L’Institut des réviseurs d’entreprises et deux réviseurs d’entreprises introduisent un recours en annulation contre cette loi.
La Cour juge que le caractère illimité dans le temps de la perte de l’honorabilité requise comme réviseur d’entreprises viole le principe d’égalité et de non-discrimination. La Cour estime que le même principe est également violé par la mesure selon laquelle, lorsqu’un des associés, bénéficiaires ou dirigeants effectifs ne satisfait plus à l’exigence d’honorabilité, la qualité de réviseur d’entreprises du cabinet de réviseurs auquel il est rattaché est immédiatement retirée, sans que ce cabinet dispose d’un délai raisonnable pour rompre les liens avec la personne concernée. La Cour annule la loi attaquée dans cette mesure et rejette le recours pour le surplus.
Arrêt n˚ 1/2022
L’absence de recours juridictionnel en vue d’obtenir la mainlevée d’une saisie faite à la demande d’un État non-membre de l’UE et d’avoir accès aux éléments du dossier répressif en Belgique viole la Constitution
La chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Bruxelles pose à la Cour plusieurs questions préjudicielles sur les règles applicables en matière d’entraide judiciaire avec un État non-membre de l’Union européenne. Ces questions concernent l’impossibilité pour le justiciable, qui est réfugié politique en Belgique du fait de persécutions par l’État à l’origine de la demande d’entraide, de demander la mainlevée d’une saisie opérée sur des biens et d’accéder au dossier répressif.
Selon la Cour, l’impossibilité pour le justiciable d’introduire un recours en mainlevée d’une saisie exécutée dans un tel contexte viole le droit d’accès au juge. Dans l’attente de la création d’un tel recours par le législateur, le justiciable doit pouvoir formuler une telle demande devant le juge d’instruction, avec un appel possible devant la chambre des mises en accusation. La Cour juge ensuite que l’absence de contrôle par un juge belge de la régularité de la procédure à l’étranger se justifie par les compétences respectives des autorités belges et étrangères dans un contexte d’entraide judiciaire internationale. Certaines garanties sont par ailleurs prévues, notamment la prise en compte du statut de réfugié par les autorités belges lorsqu’elles exécutent la demande d’entraide judiciaire. Enfin, la Cour juge que l’impossibilité pour la justiciable d’avoir accès aux éléments du dossier répressif en possession des autorités belges et sur la base desquels celles-ci ont accepté d’exécuter la demande d’entraide judiciaire est inconstitutionnelle. Il appartient au législateur de prévoir un recours ayant un tel objet.
Arrêt n˚ 187/2021
La Cour annule la disposition qui permet de détenir jusqu’à 8 mois des citoyens de l’Union européenne et des membres de leur famille pour garantir l’exécution d’un ordre de quitter le territoire
Plusieurs associations demandent l’annulation des dispositions qui permettent au Roi d’imposer, aux citoyens de l’Union européenne et aux membres de leur famille qui se sont vus ordonner de quitter le territoire, des mesures préventives pour éviter le risque de fuite. Elles demandent également l’annulation de la disposition qui permet de détenir jusqu’à 8 mois, à des fins d’éloignement, des citoyens de l’Union et des membres de leur famille. La Cour a posé deux questions préjudicielles à ce sujet à la Cour de justice de l’Union européenne, qui a répondu par un arrêt du 22 juin 2021.
La Cour rejette le grief dirigé contre la possibilité d’imposer des mesures préventives pour éviter le risque de fuite. Il appartient au Roi de déterminer ces mesures préventives dans le respect des exigences découlant de l’arrêt de la Cour de justice : le Roi ne peut pas prévoir des mesures préventives plus strictes que celles applicables aux ressortissants de pays tiers et le Roi doit respecter les conditions imposées par la directive 2004/38/CE. En revanche, la Cour annule la disposition qui permet de détenir à des fins d’éloignement des citoyens de l’Union et des membres de leur famille jusqu’à 8 mois, à savoir une durée identique à celle applicable aux ressortissants de pays tiers. En ce qui concerne la durée de la procédure d’éloignement, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne sont pas dans une situation comparable à celle des ressortissants de pays tiers. Il n’est donc pas justifié d’appliquer la même durée maximale de détention.
Arrêt n˚ 183/2021
L'interdiction d'afficher de la publicité de marque pour les produits de tabac à l'intérieur et sur la devanture des magasins de tabac et de journaux n'est pas inconstitutionnelle
La loi du 24 janvier 1977 « relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits » prévoyait une exception à l’interdiction de principe de publicité pour le tabac qui valait jusque-là pour l’apposition de la marque d’un produit de tabac sur des affiches à l’intérieur et sur la devanture des magasins de tabac et des magasins de journaux qui vendent des produits de tabac. La loi du 15 mars 2020 abroge cette exception, avec effet au 1er janvier 2021. Un producteur de tabac introduit devant la Cour constitutionnelle un recours en annulation dirigé contre cette abrogation. La Cour rejette ce recours. D’une part, elle estime que l’abrogation de cette interdiction ne viole ni la liberté d’expression, ni le droit de propriété, ni la liberté d’entreprendre. Dès lors que la publicité peut éveiller le désir d’un produit de tabac chez les jeunes, les fumeurs et ceux qui, parmi eux, tentent de mettre un terme à leur consommation, l’abrogation de l’exception en cause participe d’une meilleure protection de la santé publique et est raisonnablement justifiée. D’autre part, l’abrogation de l’exception en cause est compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination ainsi qu’avec le principe de la sécurité juridique. Au regard de l’objectif de préserver la santé publique et de lutter contre l’exposition à la publicité et l’attrait pour les produits de tabac, surtout chez les jeunes, il est pertinent, selon la Cour, de limiter la visibilité de la publicité de marque dans tous les commerces, sans distinction en fonction des produits, et donc indépendamment du fait qu’il s’agisse de produits de tabac combustibles ou de PRRP (« potentially reduced risk products », soit les produits non combustibles et les produits qui ne sont pas à base de tabac, comme les cigarettes électroniques). L’identité de traitement repose en outre sur une justification raisonnable, dès lors qu’il s’agit dans les deux cas de produits nocifs.
Arrêt n˚ 179/2021
La compagnie aérienne respecte son obligation de contrôle lorsqu’un passager démontre, lors de l’embarquement, qu’il est un citoyen de l’Union au moyen d’une carte d’identité ou d’un passeport valable ou de toute autre preuve
La Cour devait se prononcer sur une question préjudicielle posée par la Cour d’appel de Bruxelles au sujet de l’obligation légale pour les compagnies aériennes de contrôler, si le passager, lors de l’embarquement, est en possession des documents requis pour entrer en Belgique. En cas de non-respect de cette obligation, les compagnies aériennes peuvent se voir infliger une amende administrative. La Cour d’appel demande à la Cour si cette obligation est compatible avec le principe d’égalité dans l’interprétation selon laquelle aucune amende administrative n'est infligée lorsqu'un citoyen de l’Union démontre son identité au moyen d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité, mais qu'une amende est infligée lorsqu'un citoyen de l'Union démontre son identité par un autre moyen, alors que tous deux bénéficient du droit de circuler librement qui s’applique dans l’Union.
La Cour juge que l’interprétation donnée par la Cour d’appel est manifestement erronée. Il découle en effet de la lecture combinée de plusieurs dispositions légales qu’une compagnie aérienne satisfait à son obligation de contrôle lorsque un passager, lors de l’embarquement, lui présente une carte d’identité ou un passeport en cours de validité attestant qu’il est un citoyen de l’Union ou toute autre preuve établissant qu’il bénéficie du droit de circuler ou de séjourner librement.
Arrêt n˚ 178/2021
L’absence de sanction du non-respect par l’administration de l’obligation d’indiquer les voies et délais de recours lors de la notification d’une décision individuelle est inconstitutionnelle
Le Tribunal du travail de Liège pose deux questions préjudicielles à la Cour dans le cadre d’un recours contre une décision de l’Agence wallonne de la santé, de la protection sociale, du handicap et des familles. La première question porte sur le délai de recours d’un mois applicable dans cette affaire, alors que la charte de l’assuré social prévoit un délai de recours de trois mois. La seconde question porte sur le fait qu’il n’y ait pas de sanction lorsque l’autorité administrative ne respecte pas l’obligation qui lui incombe d’indiquer comment la décision peut être attaquée devant un juge.
La Cour répond que l’application d’un délai de recours d’un mois n’est pas discriminatoire en l’espèce, compte tenu des compétences respectives de la Région wallonne et de l’autorité fédérale. La Cour répond ensuite qu’en omettant d’assortir l’absence d’indication des voies et délais de recours dans la notification des décisions administratives individuelles d’une sanction visant à préserver l’exercice effectif du droit d’accès au juge, le législateur wallon a porté une atteinte disproportionnée aux droits des administrés. Selon la Cour, il appartient au législateur wallon de déterminer la nature de la sanction qui doit être appliquée dans pareil cas. Dans l’affaire soumise à la Cour, le Tribunal du travail doit examiner concrètement si le droit d’accès au juge du demandeur a été violé et faire cesser cette violation.
Arrêt n˚ 170/2021
La Cour n’est pas compétente pour répondre à une question de la Commission wallonne d’accès aux documents administratifs car celle-ci est une autorité administrative et non une juridiction
L’ASBL « Forum Voor Vredesactie » a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs de la Région wallonne d’un recours contre le refus du Gouvernement wallon de communiquer les licences d’exportations d’armes vers le Royaume d’Arabie Saoudite délivrées depuis le 1er septembre 2019. Dans le cadre de ce recours, la Commission pose une question à la Cour.
La Cour constate qu’elle n’est pas compétente pour répondre à la question. Seules les juridictions peuvent poser des questions à la Cour. Or, la Commission est une autorité administrative et non une juridiction. Le législateur wallon a en effet eu pour intention de considérer la Commission comme une autorité administrative. Enfin, les règles relatives à la compétence, à la composition et au fonctionnement de la Commission sont compatibles avec la qualification d’autorité administrative.
Arrêt n˚ 168/2021
Le recours obligatoire à des ouvriers portuaires reconnus, non seulement pour le chargement et déchargement de navires, mais aussi pour la préparation de l’expédition de semi-remorques sur un quai, est constitutionnel
La Cour de cassation a demandé à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur la constitutionnalité de l’obligation, faite aux employeurs, dans les zones portuaires, de faire appel à des ouvriers portuaires reconnus pour le travail portuaire qui dépasse le chargement et déchargement de navires au sens strict et qui peut également être effectué en dehors des zones portuaires. La Cour a d’abord demandé à la Cour de justice de l’Union européenne si les règles nationales concernant le travail portuaire reconnu violent la liberté d’établissement ou la libre circulation des services. Par son arrêt du 11 février 2021, la Cour de justice a jugé qu’une loi qui prévoit que le travail portuaire est réservé aux ouvriers portuaires reconnus peut être compatible avec le droit de l’Union si elle entend garantir la sécurité dans les zones portuaires et prévenir les accidents du travail. Dans le prolongement de cet arrêt, la Cour constate que la loi sur le travail portuaire prévoit seulement de manière générale l’instauration de règles pour la reconnaissance d’ouvriers portuaires. La Cour limite son examen à l’activité dans l’affaire qui est à l’origine de la question : la préparation de semi-remorques sur un quai en vue de leur expédition à l’aide d’un véhicule spécial, appelé tugmaster. Selon la Cour, l’ampleur des risques liés à cette activité ne diffère pas fondamentalement de l’ampleur des risques liés au chargement et déchargement de navires au sens strict. L’obligation, pour le travail portuaire, de faire appel exclusivement à des ouvriers portuaires reconnus est précisément dictée par la nécessité de garantir la sécurité dans les zones portuaires et de prévenir les accidents du travail. Il est dès lors raisonnablement justifié que l’obligation de faire appel à des ouvriers portuaires reconnus s’applique aux deux types de travail portuaire.
Arrêt n˚ 167/2021
Le travailleur entré en fonction avant ou le 31/12/2013 et licencié après cette date, qui met fin au contrat de travail pendant le délai de préavis de commun accord avec l’employeur, n’a pas droit à une indemnité en compensation du licenciement
La Cour devait se prononcer sur une question préjudicielle posée par le Tribunal du travail de Gand, division Alost, concernant la réglementation légale relative à l’indemnité en compensation du licenciement. Cette indemnité compense, pour les travailleurs entrés en fonction avant le 1er janvier 2014 et licenciés après le 31 décembre 2013, la différence entre, d’une part, le délai de préavis ou l’indemnité de congé correspondante que l’employeur doit octroyer et, d’autre part, le délai de préavis ou l’indemnité de congé correspondante que l’employeur aurait octroyé si l’ancienneté totale du travailleur avait été acquise après le 31 décembre 2013.
Le Tribunal du travail veut savoir s'il y a une discrimination si cette réglementation est interprétée de telle manière que cette indemnité est due à tout travailleur qui est entré en fonction avant ou le 31 décembre 2013 et licencié après cette date, même lorsque ce travailleur met fin à son contrat de travail de commun accord avec l’employeur, pendant le délai de préavis, parce qu’il a trouvé un autre emploi. La Cour juge que la réglementation légale, dans cette interprétation, est discriminatoire. La Cour ajoute toutefois que la réglementation concernée peut également être interprétée en ce sens qu’aucune indemnité en compensation du licenciement n’est due dans un tel cas. Dans cette interprétation, le principe d’égalité et de non-discrimination n’est pas violé.
Arrêt n˚ 165/2021
Il n’est pas contraire au droit au respect des biens que l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements puisse décider de vendre des parties communes à la majorité des 4/5es des voix
La Cour est interrogée à propos de la disposition qui permet à l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble à appartements de vendre des parties communes à la majorité des 4/5es des voix.
La Cour juge que cette disposition ne viole pas le droit au respect des biens. Cette disposition tend à éviter les situations de blocage dans la gestion de la copropriété. Il s’agit d’un objectif légitime. La majorité des 4/5es permet d’assurer un juste équilibre entre les intérêts de la copropriété et les intérêts individuels des copropriétaires. En outre, le législateur a prévu des possibilités de recours devant le juge.
Arrêt n˚ 158/2021
La suppression de l’anonymat des cartes GSM prépayées et l’obligation pour les banques et institutions financières de contribuer à l’identification de l’utilisateur final sont, sous réserve d’un point, constitutionnelles
La loi du 1er septembre 2016 supprime l’anonymat des cartes de téléphonie mobile prépayées et permet l’identification de l’utilisateur final d’une carte de téléphonie mobile prépayée sur la base de la transaction bancaire en ligne qui a été effectuée pour l’acheteur. Cette loi a fait l’objet d’un recours en annulation introduit par trois personnes qui invoquaient principalement la violation du droit au respect de la vie privée et familiale.
Sur ce point, la Cour déclare la loi attaquée constitutionnelle, sous réserve cependant de quelques interprétations. En revanche, elle annule la loi attaquée en ce que la loi ne détermine pas les données d’identification qui sont collectées et traitées et les documents d’identification qui entrent en considération. Les effets de la disposition annulée sont toutefois maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur d’une réglementation législative énumérant ces données et documents d'identification. Le maintien vaut jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard.
Arrêt n˚ 157/2021
L’article 1er de la loi du 6 avril 1847 « portant répression des offenses envers le Roi » viole la liberté d’expression
La chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Gand doit se prononcer sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré par la justice espagnole contre un ressortissant espagnol qui a été condamné en Espagne pour outrage et offenses graves envers la Couronne espagnole. Examinant si cette infraction est aussi une infraction en droit belge (l’incrimination dans les deux pays est une condition pour exécuter un mandat d’arrêt européen), la chambre des mises en accusation constate que l’outrage et les injures graves envers le Roi sont aussi punissables en Belgique, sur la base de la loi du 6 avril 1847 « portant répression des offenses envers le Roi ». La chambre des mises en accusation demande cependant à la Cour si cette loi est compatible avec la liberté d’expression.
La Cour juge que l’article 1er de la loi du 6 avril 1847 viole la liberté d’expression. Cette disposition réprime les offenses envers le Roi d’une peine de prison particulièrement lourde (six mois à trois ans de prison), ce qui est en principe contraire à la liberté d’expression lorsque la peine est infligée en raison d’opinions exprimées dans le cadre d’un débat politique ou d’un débat sur des matières d’intérêt général. En outre, cette disposition protège la réputation du Roi plus largement que celle des autres personnes. Selon la Cour, la disposition ne répond pas à un besoin social impérieux et elle est disproportionnée à l’objectif de protéger la réputation de la personne du Roi.
Arrêt n˚ 148/2021
L’application de dispositions nouvelles en matière de distances de plantations et de branches et racines envahissantes au domaine public est constitutionnelle, compte tenu de la spécificité de celui-ci
La loi « portant le livre 3 ‘ Les biens ’ du Code civil » insère dans le nouveau Code civil des dispositions sur les distances de plantations à respecter par rapport à la limite de la parcelle et sur les branches et racines envahissantes. Des associations de défense de la nature ont introduit un recours en annulation de ces dispositions en ce qu’elles s’appliquent au domaine public.
La Cour rejette le recours. Elle juge que l’application des dispositions concernées au domaine public ne porte pas atteinte aux compétences des régions et qu’elle ne viole pas le principe d’égalité et de non-discrimination. La Cour souligne à cet égard la spécificité du domaine public : les droits réels d’usage peuvent exister sur un bien du domaine public mais exclusivement dans la mesure où la destination publique de ce bien n’y fait pas obstacle, ce qui vaut également pour les règles relatives aux distances de plantations. Ensuite, la Cour estime que les dispositions attaquées n’entraînent pas de recul significatif de la protection d’un environnement sain. Enfin, elle souligne que les règles attaquées ne s’appliquent pas aux plantations qui sont antérieures à l’entrée en vigueur de la loi.
Arrêt n˚ 142/2021
La Cour rejette les recours en annulation du décret de la Région flamande validant les conditions environnementales sectorielles pour les éoliennes
Le décret flamand validant les conditions sectorielles flamandes pour les éoliennes a fait l’objet de dix requêtes en suspension et en annulation totale ou partielle. À la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 juin 2020, les permis et l’exploitation de tous les parcs éoliens existants et planifiés dont les permis renvoient aux « conditions sectorielles pour les éoliennes » étaient compromis. La validation décrétale de ces conditions sectorielles vise à écarter les conséquences négatives que l’arrêt de la Cour de justice pourrait avoir sur les objectifs belges en matière d’énergie renouvelable et d’approvisionnement en énergie.
Par son arrêt n° 30/2021, la Cour a rejeté les demandes de suspension, au motif que les moyens invoqués contre cette validation décrétale n’étaient pas sérieux. Par ce nouvel arrêt, la Cour juge que ces moyens ne sont pas non plus fondés. Elle rejette donc également les recours en annulation de la validation décrétale.
Arrêt n˚ 140/2021
La Cour clarifie la qualification d’un prélèvement imposé par l’autorité comme impôt ou comme cotisation de sécurité sociale
La Cour du travail de Mons pose plusieurs questions préjudicielles à la Cour sur la constitutionnalité de la cotisation de responsabilisation, qui est due par les employeurs qui font un usage excessif du système du chômage économique.
La Cour clarifie tout d’abord la qualification d’un prélèvement comme impôt ou comme cotisation de sécurité sociale. Elle en conclut que la cotisation en cause n’est pas un impôt. Elle n’est donc pas soumise aux dispositions constitutionnelles applicables en matière fiscale.
Pour le reste, la Cour juge que, comme elle l’avait déjà jugé par l’arrêt n° 100/2018, il n’est pas contraire aux principes de la non-rétroactivité des lois et de la sécurité juridique que plusieurs paramètres de la cotisation aient été définis après que les employeurs concernés ont eu recours au chômage économique. La Cour juge également que la cotisation ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de ces employeurs.
La Cour considère enfin que les différences de traitement qui existent entre les employeurs qui relèvent du régime général et ceux qui relèvent du secteur de la construction, lesquels sont soumis à un régime dérogatoire, ne sont pas sans justification raisonnable.
Arrêt n˚ 137/2021
La Cour rejette le recours en annulation dirigé contre la réforme du droit wallon des cours d’eau non navigables
La Cour rejette le recours en annulation du décret wallon du 4 octobre 2018, qui réforme en profondeur le droit des cours d’eau non navigables.
Selon la Cour, la Région wallonne est compétente pour adopter ce décret. La Cour juge que le décret attaqué n’entraîne pas d’expropriation, mais qu’il entraîne des ingérences dans le droit au respect des biens des propriétaires de cours d’eau non navigables et de terrains bordant ces cours d’eau. Selon la Cour, ces ingérences poursuivent cependant un but d’intérêt général et elles ménagent un juste équilibre entre tous les intérêts en jeu. La Cour juge enfin que le droit de l’Union européenne n’imposait pas que le législateur décrétal procède préalablement à une évaluation environnementale.
Arrêt n˚ 131/2021
La Cour rejette le recours contre la loi qui étend à l’accueil de la petite enfance le régime des exceptions aux droits d’auteur et aux droits voisins
La loi du 2 mai 2019 étend aux établissements d’accueil de la petite enfance le régime des exceptions aux droits d’auteur et aux droits voisins qui est applicable pour l’enseignement et la recherche scientifique. La SABAM, la SIMIM et la SCRL « PlayRight » ont introduit un recours en annulation contre cette loi. La Cour rejette ce recours. La Cour juge que la directive 2001/29/CE autorise une telle exception en faveur des établissements d’accueil de la petite enfance. La Cour souligne que la loi attaquée limite l’exception aux activités pédagogiques de ces établissements et qu’elle est justifiée par le souci de favoriser l’éducation des enfants. Selon la Cour, la loi attaquée ménage un juste équilibre entre les droits et intérêts des différentes parties concernées. Ce constat implique cependant que le droit à la rémunération des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins, qui existe déjà pour les autres utilisations relevant de l’enseignement et de la recherche scientifique, doit être étendu par le législateur aux utilisations des œuvres par les établissements d’accueil de la petite enfance.
Arrêt n˚ 130/2021
La Cour rejette en grande partie les recours en annulation du décret flamand sur les routes communales
Deux recours en annulation ont été introduits contre le décret flamand du 3 mai 2019 sur les routes communales, qui instaure un statut juridique uniforme pour toutes les routes dont la commune est le gestionnaire. Les parties requérantes critiquent de nombreux aspects du décret.
La Cour juge que l’obligation d’acquisition applicable à l’aménagement de nouvelles routes communales est également applicable au déplacement d’une route communale sur un terrain privé. Elle annule dès lors la règle qui a pour effet que le déplacement vaut titre pour la constitution d’une servitude de passage. Par ailleurs, le système d’indemnisation en cas de plus-value ou de moins-value de la parcelle sur laquelle se trouve la route communale n’entraîne pas de restriction disproportionnée du droit de propriété. Tel n’est pas non plus le cas de la réglementation relative à la création et à la suppression de routes communales en raison d’un usage ou d’un non-usage de longue durée, dès lors que les décisions communales à ce sujet peuvent toujours être contestées devant le juge.
Arrêt n˚ 118/2021
L’étourdissement obligatoire des animaux préalablement à leur abattage dans les Régions flamande et wallonne ne viole pas la Constitution
La Cour rejette les recours en annulation dirigés contre l’interdiction générale de l’abattage sans étourdissement dans les Régions flamande et wallonne. Dans l’arrêt n° 53/2019, la Cour avait posé trois questions à la Cour de justice de l’Union européenne. Par son arrêt du 17 décembre 2020, la Cour de justice a jugé que, pour promouvoir le bien-être des animaux lors des abattages rituels, les États membres peuvent imposer un procédé d’étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal. La Cour juge maintenant du fond de l’affaire. Elle souligne que la liberté de pensée, de conscience et de religion représente l’une des assises d’une société démocratique et reconnaît que l’interdiction générale de l’abattage sans étourdissement emporte une restriction de la liberté de religion des croyants juifs et islamiques qui ne consomment que de la viande d’animaux abattus sans étourdissement. Cette restriction répond toutefois à un besoin social impérieux et est proportionnée à l’objectif légitime poursuivi consistant à promouvoir le bien-être animal. En outre, la possibilité d’un étourdissement réversible lors des abattages rituels ne saurait s’interpréter comme prescrivant de quelle manière un rite religieux doit être accompli.
Arrêt n˚ 117/2021
L’étourdissement obligatoire des animaux préalablement à leur abattage dans les Régions flamande et wallonne ne viole pas la Constitution
La Cour rejette les recours en annulation dirigés contre l’interdiction générale de l’abattage sans étourdissement dans les Régions flamande et wallonne. Dans l’arrêt n° 53/2019, la Cour avait posé trois questions à la Cour de justice de l’Union européenne. Par son arrêt du 17 décembre 2020, la Cour de justice a jugé que, pour promouvoir le bien-être des animaux lors des abattages rituels, les États membres peuvent imposer un procédé d’étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal. La Cour juge maintenant du fond de l’affaire. Elle souligne que la liberté de pensée, de conscience et de religion représente l’une des assises d’une société démocratique et reconnaît que l’interdiction générale de l’abattage sans étourdissement emporte une restriction de la liberté de religion des croyants juifs et islamiques qui ne consomment que de la viande d’animaux abattus sans étourdissement. Cette restriction répond toutefois à un besoin social impérieux et est proportionnée à l’objectif légitime poursuivi consistant à promouvoir le bien-être animal. En outre, la possibilité d’un étourdissement réversible lors des abattages rituels ne saurait s’interpréter comme prescrivant de quelle manière un rite religieux doit être accompli.
Arrêt n˚ 115/2021
Il est raisonnablement justifié que des prescriptions relatives à des lotissements datant de plus de quinze ans au moment de l’introduction d’une demande de permis d’urbanisme ne constituent plus un motif de refus de permis
La Cour devait se prononcer sur une question préjudicielle du Conseil pour les contestations des autorisations concernant l’article 4.3.1, § 1er, alinéa 1er, 1°, c), du Code flamand de l’aménagement du territoire. Selon cette disposition, les prescriptions relatives à des lotissements qui datent de plus de quinze ans au moment de l’introduction d’une demande de permis d’urbanisme ne constituent plus un motif de refus du permis demandé, sauf lorsqu’il s’agit de prescriptions en matière de voirie et d’espaces verts publics. Cette disposition crée ainsi une différence de traitement. Alors que les prescriptions relatives à un lotissement qui date de moins de quinze ans valent en principe comme motif de refus d’une demande de permis qui n’est pas conforme à ces prescriptions, tel n’est en principe pas le cas pour les prescriptions relatives à un lotissement qui date de plus de quinze ans.
La Cour juge que cette disposition est compatible avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution. Selon la Cour, la différence de traitement est pertinente au regard de l’objectif légitime d’optimiser le rendement spatial du bâti existant et au regard de la volonté du législateur décrétal d’éviter que la réalisation de visions plus modernes de l’aménagement du territoire ne soit entravée par des prescriptions désuètes relatives à des lotissements plus anciens. En outre, la Cour juge que la disposition en cause ne produit pas d’effets disproportionnés.
Arrêt n˚ 113/2021
La Cour rejette les demandes de suspension du décret de la Communauté flamande qui introduit de nouveaux objectifs finaux pour les deuxième et troisième degrés de l’enseignement secondaire
Plusieurs parties demandent à la Cour la suspension et l’annulation des nouveaux objectifs finaux établis par la Communauté flamande pour les deuxième et troisième degrés de l’enseignement secondaire. Pour qu’il y ait suspension, il faut notamment que les parties requérantes démontrent que l’application immédiate des nouveaux objectifs finaux leur cause un préjudice grave difficilement réparable.
La Cour estime que les parties requérantes ne démontrent pas un préjudice grave difficilement réparable et que les inconvénients que l’application immédiate des dispositions attaquées pourrait entraîner pour les parties requérantes ne l’emportent pas sur les inconvénients d’une suspension de ces dispositions pour l’ensemble du secteur de l’enseignement, plus précisément en ce qu’elle contrecarrerait l’organisation et le planning des écoles et des enseignants à un moment où ils n’ont plus la possibilité d’encore rectifier fondamentalement cette organisation et ce planning.
La Cour rejette dès lors les demandes de suspension des nouveaux objectifs finaux. Elle se prononcera ultérieurement sur les recours en annulation.
Arrêt n˚ 107/2021
La Cour rejette le recours en annulation de la loi qui règle les éléments essentiels du statut du personnel pénitentiaire et qui impose un service minimum dans les prisons en cas de grève
La loi du 23 mars 2019 règle les éléments essentiels du statut du personnel pénitentiaire et institue un service minimum dans les prisons en cas de grève. Un membre du personnel pénitentiaire, également mandataire de la CGSP, en demande l’annulation devant la Cour.
La Cour juge que l’intervention du législateur pour régler les éléments essentiels du statut des agents pénitentiaires (missions, tâches, droits et devoirs) est raisonnablement justifiée au regard de l’objectif de renforcer la légitimité de l’institution pénitentiaire dans son ensemble et d’assurer les droits fondamentaux des détenus. En outre, selon la Cour, l’enquête de moralité à l’égard des candidats à une fonction au sein de l’administration pénitentiaire ne viole pas le droit au respect de la vie privée. Enfin, la Cour juge que le service minimum, tel qu’il est organisé par la loi du 23 mars 2019, n’entraîne pas une ingérence disproportionnée dans le droit de grève, ne fait pas obstacle au dialogue social et à la concertation collective et n’atteint pas la liberté syndicale et le droit de négociation collective dans leur substance.
Arrêt n˚ 103/2021
L’impossibilité pour le prévenu de former appel en réaction à l’appel limité du ministère public viole les droits de la défense du prévenu
La Cour d’appel de Gand demande à la Cour constitutionnelle s’il est conforme à la Constitution qu’un prévenu ne dispose pas d’un délai supplémentaire de 10 jours pour former appel en réaction à l’appel du ministère public conformément à l’article 205 du Code d’instruction criminelle, alors que le ministère public peut former appel en réaction à l’appel d’un prévenu dans les 10 jours. La Cour juge que l’article 205 du Code d’instruction criminelle viole le principe d’égalité et l’égalité des armes en ce qu’il ne prévoit pas un délai supplémentaire de 10 jours pour le prévenu qui n’a pas formé appel et qui souhaite néanmoins suivre l’appel du ministère public qui se limite à certains éléments du jugement contesté. Il découle de ce constat d’inconstitutionnalité qu’un tel appel du prévenu en réaction au premier appel doit être déclaré recevable. Dans l’attente de l’intervention du législateur, il appartient à la Cour d’appel de Gand de mettre fin à l’inconstitutionnalité. La Cour maintient les effets de la disposition pour les décisions de justice définitives rendues contradictoirement avant la publication de cet arrêt au Moniteur belge afin d’éviter que des décisions de justice définitives soient remises en cause.
Arrêt n˚ 99/2021
Les Écoles supérieures des Arts de l’enseignement libre subventionné sont discriminées par rapport aux Écoles supérieures des Arts de la Communauté française en ce qui concerne le financement de leur fonctionnement
Les Écoles supérieures des Arts libres subventionnées reçoivent de la Communauté française des subventions de fonctionnement qui, par étudiant, correspondent à 40 % du montant des dotations de fonctionnement que la Communauté française accorde à ses propres Écoles supérieures des Arts. L’École supérieure des Arts « Saint-Luc » de Liège, qui est un établissement de l’enseignement libre subventionné, estime qu’elle est discriminée par cette différence en matière de financement.
La Cour juge que cette différence de traitement est discriminatoire, à défaut pour la Communauté française de pouvoir en donner une justification raisonnable. La Cour refuse de maintenir les effets de l’article 32, § 2, alinéa 7, de la loi du Pacte scolaire, à l’origine de la discrimination, faute pour la Communauté française d’établir que le constat de l’inconstitutionnalité pourrait lui causer des difficultés financières insurmontables et compte tenu du fait que, bien que consciente depuis longtemps de la différence de traitement, la Communauté française n’a rien entrepris pour y remédier.
Arrêt n˚ 97/2021
La Cour rejette les recours en annulation de la modification du régime d’implantation pour les pharmacies et de la réglementation des informations professionnelles communiquées par les professionnels des soins de santé
La Cour devait se prononcer sur plusieurs recours en annulation qui avaient été introduits contre la modification du régime d’implantation pour les pharmacies et contre la réglementation relative aux informations professionnelles communiquées par les professionnels des soins de santé. La Cour, s’appuyant sur l’objectif de protection de la santé publique et de la mission qu’ont les prestataires de soins de prodiguer à la population des conseils de santé appropriés et de ne pas compromettre la relation de confiance avec le patient ou le client, considère aussi bien les moyens dirigés contre le régime d’implantation que ceux dirigés contre la réglementation des informations professionnelles comme étant non fondés et les rejette.
Arrêt n˚ 93/2021
La garantie de la stabilité de l’emploi doit également s’appliquer pour une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement
La Cour du travail de Gand, division Bruges, interroge la Cour sur le fait que la garantie de la stabilité de l’emploi s’applique après deux ans uniquement soit en cas de contrats de travail successifs à durée déterminée, soit en cas de contrats de remplacement successifs, mais pas dans le cas où il y a une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement. La Cour juge que cette distinction n’est pas raisonnablement justifiée, compte tenu de l’objectif du législateur d’assurer la stabilité de l’emploi du travailleur et de protéger celui-ci contre le recours abusif par l’employeur à des contrats de travail temporaires successifs. Le législateur doit intervenir pour remédier à cette inconstitutionnalité. Dans l’attente de cette intervention, il revient à la Cour du travail d’appliquer les règles relatives aux contrats à durée indéterminée à l’égard d’un travailleur qui se trouve dans une telle situation.
Arrêt n˚ 92/2021
Une entreprise qui a un intérêt purement commercial peut introduire un recours en annulation de manière recevable devant le Conseil pour les contestations des autorisations contre une décision d’autorisation accordée à un concurrent
La Cour devait se prononcer sur une question préjudicielle du Conseil d’État portant sur l’article 4.8.11, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand de l’aménagement du territoire. Cette disposition impose de justifier d’un intérêt pour pouvoir attaquer une décision d’autorisation devant le Conseil pour les contestations des autorisations. Selon le Conseil d’État et le Conseil pour les contestations des autorisations, cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’un intérêt purement commercial ne suffit pas.
La Cour juge que cette interprétation limite de manière disproportionnée le droit d’accès au juge et qu’elle n’est donc pas compatible avec l’article 13 de la Constitution et avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Arrêt n˚ 89/2021
La Cour rejette les demandes de suspension du décret de la Communauté flamande instaurant l'obligation d’isolement et le traçage des contacts dans le cadre du COVID-19
Le décret flamand instaurant l’obligation d’isolement et le traçage des contacts dans le cadre du COVID 19 a fait l’objet de deux demandes distinctes de suspension et d’annulation. Dans le contexte de la lutte contre le COVID 19, ce décret prévoit, premièrement, une obligation d’isolement, un contrôle du respect de cette obligation et des sanctions pénales pour les contrevenants. Deuxièmement, il prévoit un échange de données personnelles avec les communes concernant l’identité de la personne qui doit s’isoler, le lieu où elle le fait et la durée de l’isolement.
Dans deux arrêts distincts, la Cour juge, dans le cadre des demandes de suspension, que les parties requérantes ne démontrent pas que l’application immédiate de la disposition attaquée risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable. Elle rejette dès lors les demandes de suspension.
Arrêt n˚ 88/2021
La Cour rejette les demandes de suspension du décret de la Communauté flamande instaurant l'obligation d’isolement et le traçage des contacts dans le cadre du COVID-19
Le décret flamand instaurant l’obligation d’isolement et le traçage des contacts dans le cadre du COVID 19 a fait l’objet de deux demandes distinctes de suspension et d’annulation. Dans le contexte de la lutte contre le COVID 19, ce décret prévoit, premièrement, une obligation d’isolement, un contrôle du respect de cette obligation et des sanctions pénales pour les contrevenants. Deuxièmement, il prévoit un échange de données personnelles avec les communes concernant l’identité de la personne qui doit s’isoler, le lieu où elle le fait et la durée de l’isolement.
Dans deux arrêts distincts, la Cour juge, dans le cadre des demandes de suspension, que les parties requérantes ne démontrent pas que l’application immédiate de la disposition attaquée risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable. Elle rejette dès lors les demandes de suspension.
Arrêt n˚ 84/2021
L’augmentation des droits de rôle en 2018 est excessive à l’égard de certains justiciables jusqu’à l’entrée en vigueur le 1er septembre 2020 de mesures facilitant l’accès à l’aide juridique et à l’assistance judiciaire
L’introduction d’une action en justice implique le paiement par le justiciable d’un « droit de rôle ». La loi du 14 octobre 2018 augmente le montant des droits de rôle. L’Ordre des barreaux francophones et germanophone et plusieurs associations ont introduit un recours en annulation contre cette augmentation. La Cour juge que le droit d’accès au juge peut faire l’objet de restrictions, notamment financières, pour autant qu’elles ne portent pas atteinte à l’essence même de ce droit et qu’elles soient proportionnées à l’objectif légitime poursuivi. Selon la Cour, la loi attaquée poursuit des objectifs légitimes et est pertinente au regard de ces objectifs. Selon la Cour, le coût de l’exercice du droit d’accès au juge, alourdi par la loi attaquée, peut toutefois constituer une charge excessive pour les justiciables dont les moyens d’existence dépassent juste le plafond pour pouvoir bénéficier de l’aide juridique de deuxième ligne et de l’assistance judiciaire. Cela étant, la Cour constate qu’une loi du 31 juillet 2020 a facilité l’accès à l’aide juridique et à l’assistance judiciaire. Cela contrebalance l’augmentation des droits de rôle opérée en 2018. La Cour annule donc partiellement la loi du 14 octobre 2018, en ce qu’elle s’applique à certaines catégories de justiciables dont l’action en justice a été introduite avant l’entrée en vigueur de la loi du 31 juillet 2020.
Arrêt n˚ 82/2021
Le décret de la Communauté française du 22 octobre 2020 est inconstitutionnel en ce qu’il prolonge rétroactivement jusqu’à l’année académique 2020-2021 l’obligation d’avoir une attestation d’accès pour poursuivre les études vétérinaires
Le décret de la Communauté française du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires prévoit que pour pouvoir poursuivre ces études au-delà de la première année, il est nécessaire de disposer d’une attestation d’accès à la suite du programme du cycle. Pour obtenir une telle attestation, l’étudiant doit être classé en ordre utile à un concours. À l’origine, cette obligation était applicable jusqu’à l’année académique 2019-2020 incluse. Par un décret du 22 octobre 2020, la Communauté française a prolongé cette obligation jusqu’à l’année académique 2020-2021.
La Cour est saisie dans le cadre d’un litige qui oppose l’ULB et une étudiante ne disposant pas d’une telle attestation. La Cour juge que la prolongation de l’obligation de disposer d’une telle attestation a un effet rétroactif, puisqu’elle est entrée en vigueur après le début de l’année académique 2020-2021. Selon la Cour, il n’est pas établi que cet effet rétroactif est indispensable à la réalisation d’un objectif d’intérêt général. La Cour en conclut que le décret du 22 octobre 2020 viole le principe d’égalité et de non-discrimination, combiné avec le principe général de la non-rétroactivité des lois.
Arrêt n˚ 76/2021
La Cour annule l’interdiction temporaire et de principe pour les internés d’être entendus en personne aux audiences de la chambre de protection sociale
Par son arrêt no 32/2021 du 25 février 2021, la Cour a suspendu la disposition législative sur la base de laquelle, jusqu’au 31 mars 2021 (date entre-temps prolongée par arrêté royal jusqu’au 30 juin 2021), la chambre de protection sociale ne doit plus entendre l’interné en personne, mais uniquement son avocat et le ministère public. À présent, la Cour annule cette disposition.
La Cour juge que l’internement, en tant que mode spécifique de détention, exige précisément que la chambre de protection sociale, qui décide du maintien ou des modalités de l’internement, puisse correctement apprécier l’état mental ou psychique dans lequel se trouvent les personnes internées afin d’éviter qu’elles soient privées de liberté plus longtemps que nécessaire. Pour protéger la santé publique dans le contexte d’une pandémie virale en limitant au maximum les contacts physiques entre les personnes, des mesures moins restrictives que celle de priver les internés de leur droit d’être entendus en personne peuvent être mises en place. Une comparution par vidéoconférence ou dans une salle d’audience suffisamment spacieuse et bien ventilée ou une audience de la chambre de protection sociale dans l’institution où séjourne la personne internée sont autant de solutions possibles.
Arrêt n˚ 75/2021
L’abrogation de plein droit des schémas d’orientation locaux wallons antérieurs à 1962 viole la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement
Depuis l’entrée en vigueur du Code wallon du développement territorial (CoDT) le 1er juin 2017, les plans communaux d’aménagement (PCA) qui étaient en vigueur à cette date sont devenus des schémas d’orientation locaux (SOL). Le CoDT prévoit un mécanisme d’abrogation de plein droit des SOL (anciens PCA) qui ont été approuvés avant le 22 avril 1962 et qui n’ont pas été révisés après cette date, sans que cette abrogation soit soumise à une évaluation environnementale préalable. La Cour juge que cette abrogation de plein droit viole le principe d’égalité, lu en combinaison avec la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. Selon la Cour, la directive s’applique à l’abrogation d’un SOL, même si ce SOL a été adopté avant l’entrée en vigueur de la directive. Pour que l’absence d’évaluation environnementale préalable à l’abrogation de plein droit des SOL concernés soit admissible, il faudrait que cette abrogation ne concerne qu’une « petite zone au niveau local » ou qu’elle soit considérée comme « mineure », et qu’elle ne soit pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement. La Cour juge que la Région wallonne n’établit pas que l’ensemble des SOL concernés par l’abrogation de plein droit remplissent ces conditions.
Arrêt n˚ 62/2021
La perte irrévocable du droit à l’effacement du solde des dettes du failli qui n’introduit pas une requête en effacement en temps utile est inconstitutionnelle
Un tribunal de l’entreprise interroge la Cour sur la constitutionnalité du délai de forclusion de trois mois à partir de la publication du jugement de faillite pour introduire une requête en effacement du solde des dettes. La Cour conclut à une violation du principe d’égalité et de non-discrimination en ce que le failli qui n’introduit pas une requête en effacement en temps utile perd irrévocablement le droit à cet effacement. En effet, cette formalité compromet l’objectif du législateur consistant à promouvoir l’entreprenariat de la seconde chance et elle n’est pas pertinente en vue du règlement rapide de la procédure de faillite. En outre, les effets sont disproportionnés pour le failli et son (ex )partenaire, étant donné que le failli, ainsi que, le cas échéant, le partenaire, doivent irrévocablement continuer à supporter sur l’ensemble de leur patrimoine les dettes qui n’ont pas été réglées par la liquidation de la masse.
Arrêt n˚ 60/2021
Sous réserve de certaines interprétations, il est constitutionnel que des agents régionaux compétents en matière d’environnement puissent pénétrer dans un domicile moyennant l’autorisation préalable du juge d’instruction
La Cour juge que la possibilité pour les agents du département de la Nature et des Forêts de la Région wallonne (DNF) d’effectuer une visite domiciliaire moyennant l’autorisation préalable d’un juge d’instruction, en vue de contrôler le respect de la législation sur la protection de l’environnement, est conforme à la Constitution. La Cour juge cependant que cette possibilité doit être mise en œuvre dans le respect de plusieurs garanties qu’elle énumère. Tout d’abord, l’autorisation préalable du juge d’instruction doit être motivée. Ensuite, les agents du DNF doivent avoir prêté serment devant le tribunal de première instance, doivent tenir compte du principe de proportionnalité et doivent agir dans le strict exercice de leur mission. En outre, bien que le propriétaire soit tenu de prêter son concours aux agents du DNF, ceux-ci ne peuvent pas, en cas de refus du propriétaire, pénétrer de force dans l’habitation ni exiger la consultation des documents ou ouvrir des armoires ou des coffres fermés. Enfin, la perquisition ne peut pas avoir lieu entre 21 heures et 5 heures du matin.
Arrêt n˚ 59/2021
Un avocat du barreau d’Eupen poursuivi disciplinairement a le droit d’être jugé en allemand
La Cour juge que, pour être conforme au principe d’égalité et de non-discrimination, une procédure disciplinaire concernant un avocat du barreau d’Eupen doit pouvoir se dérouler intégralement en allemand. En revanche, le principe d’égalité n’exige pas que tous les membres de l’instance disciplinaire maîtrisent l’allemand, pour autant que les déclarations faites en allemand et les pièces essentielles soient traduites en français.
Arrêt n˚ 57/2021
La Cour constitutionnelle annule l’obligation de conservation généralisée et indifférenciée des données relatives aux communications électroniques
Il ressort d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, à la suite de questions préjudicielles posées par la Cour constitutionnelle, que la conservation généralisée et indifférenciée de données relatives aux communications électroniques, prévue par la loi du 29 mai 2016, viole le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel. Bien que la conservation de telles données soit possible dans certains cas, la Cour constitutionnelle constate que la loi du 29 mai 2016 n’est pas conforme à une des exceptions décrites par la Cour de justice. Par conséquent, la Cour constitutionnelle annule les dispositions concernées de cette loi. Il appartient au législateur d’élaborer une réglementation dans laquelle les principes applicables en la matière sont respectés, à la lumière des précisions apportées par la Cour de justice.
La Cour constitutionnelle ne maintient pas les effets des dispositions annulées. Elle précise qu’il appartient au juge pénal compétent de statuer, le cas échéant, sur l’admissibilité des preuves qui ont été recueillies en application des dispositions annulées. À cet égard, il est fait référence à la position de la Cour de justice qui n’interdit pas nécessairement l’utilisation, dans une procédure pénale, de preuves qui ont été obtenues en violation du droit de l’Union, pour autant que le droit à un procès équitable des personnes concernées soit respecté.
Arrêt n˚ 56/2021
La Cour rejette le recours contre la loi qui autorise à certaines conditions des non-infirmiers à accomplir des activités relevant de l’art infirmier dans le cadre de la pandémie de COVID-19
Dans le cadre de la pandémie de COVID-19, la loi du 6 novembre 2020 autorise, à certaines conditions, des personnes qui ne sont pas infirmiers à accomplir des actes en principe réservés aux infirmiers. Une association d’infirmiers et d’aides-soignants et cinq infirmiers ont introduit un recours en annulation contre cette loi pour violation du principe d’égalité et du droit fondamental à la protection de la santé.
La Cour juge que le principe d’égalité, en ce qu’il s’oppose au traitement similaire de situations différentes, n’est pas violé car les infirmiers et les personnes autorisées par la loi attaquée à poser des actes infirmiers ne sont pas traités de la même manière. En effet, plusieurs conditions cumulatives sont imposées pour que des non-infirmiers puissent accomplir des actes infirmiers. Ces conditions diffèrent fondamentalement de celles auxquelles les infirmiers peuvent poser de tels actes. En outre, la Cour juge que la loi attaquée ne réduit pas le degré de protection du droit à la protection de la santé mais, au contraire, le protège. Par conséquent, la Cour rejette le recours.
Arrêt n˚ 55/2021
Selon le régime transitoire du décret flamand sur les expropriations, si la phase administrative a eu lieu sur base de la loi du 26 juillet 1962, le juge de paix doit toujours contrôler si la notion d’extrême urgence a ou non été violée
Le décret flamand du 24 février 2017 sur les expropriations instaure une seule et même procédure d’expropriation globale pour toutes les expropriations réalisées en Région flamande, à l’exception des expropriations fédérales, et prévoit un régime transitoire. En vertu de ce décret, le juge de paix doit contrôler la légalité de la phase administrative de l’expropriation. Dans une phase transitoire, ce contrôle a lieu sur la base du dossier administratif qui doit être composé par l’autorité expropriante sur la base de l’ancienne législation. Étant donné que, dans le litige soumis au juge de paix qui interroge la Cour, la phase administrative de l’expropriation s’est déroulée conformément à la loi du 26 juillet 1962, le dossier administratif doit être composé conformément aux dispositions de cette loi. Contrairement à ce qu’il soutient, le Juge de paix qui interroge la Cour doit vérifier s’il était question d’extrême urgence.
Arrêt n˚ 52/2021
La faculté de révéler des informations couvertes par le secret professionnel au sein d’une cellule de sécurité intégrale locale en matière de radicalisme, d’extrémisme et de terrorisme, ne viole pas le droit au respect de la vie privée
Une loi du 30 juillet 2018 prévoit la création, dans chaque commune, d’une cellule de sécurité intégrale locale en matière de radicalisme, d’extrémisme et de terrorisme, qui discute collectivement de la situation de personnes en voie de radicalisation. Un participant qui est tenu au secret professionnel peut y révéler des informations confidentielles, en vertu d’une disposition de cette loi.
Onze associations ont introduit un recours en annulation contre cette disposition.
La Cour juge que la disposition attaquée ne viole pas le droit au respect de la vie privée et familiale. Dès lors que l’exception au secret professionnel a pour objectif de lutter contre le terrorisme et la radicalisation, la disposition attaquée répond à un besoin social impérieux. La mesure est par ailleurs encadrée de plusieurs garanties, qui permettent d’assurer son caractère proportionné. Par ailleurs, la Cour juge que la disposition attaquée ne viole pas l’article 23 de la Constitution et qu’elle n’est pas discriminatoire. La Cour rejette donc le recours.
Arrêt n˚ 49/2021
En vertu de la loi sur la publicité de l’administration, lorsqu’il annule un assujettissement à la sécurité sociale, l’ONSS doit indiquer les possibilités et les modalités de recours, sans quoi le délai de recours ne commence pas à courir. Il n’est dès lors pas discriminatoire de ne pas appliquer la charte de l’assuré social, qui prévoit une obligation analogue, à cette décision
La loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l’assuré social prévoit que lorsqu’une décision de l’ONEm d’octroi ou de refus de prestations sociales (comme le refus d’allocations de chômage) ne contient pas plusieurs mentions obligatoires, le délai de recours contre cette décision ne commence pas à courir. Cette règle ne s’applique cependant pas à une décision de l’ONSS d’annuler l’assujettissement à la sécurité sociale. La Cour est interrogée sur la constitutionnalité de cette différence de traitement.
La Cour juge que la loi sur la publicité de l’administration impose que la notification d’une décision de l’ONSS indique les possibilités de recours, leurs délais et leurs modalités, sans quoi le délai de recours ne commence pas à courir. À cet égard, la différence de traitement est donc inexistante. Par ailleurs, l’ONSS doit aussi communiquer les coordonnées de la personne en mesure de fournir de plus amples informations sur le dossier. La Cour juge qu’il est raisonnablement justifié que le délai de recours contre la décision de l’ONSS ne soit pas suspendu en l’absence de ces mentions, contrairement à ce qui est le cas pour une décision de l’ONEm de refus d’allocations de chômage.
Arrêt n˚ 47/2021
La Cour rejette le recours contre la loi qui prévoit que l’étranger souhaitant devenir Belge peut prouver son intégration sociale en ayant suivi avec succès le programme d’intégration de l’autorité compétente
Le Code de la nationalité belge prévoit que certaines catégories d’étrangers doivent prouver leur intégration sociale pour pouvoir devenir Belge. En 2018, l’une des manières de prouver cette intégration a été modifiée. Désormais, l’étranger qui souhaite devenir Belge peut prouver son intégration sociale en établissant qu’il a suivi avec succès le programme d’intégration de l’autorité compétente. Le Collège de la Commission communautaire française (Cocof) a introduit un recours en annulation contre cette modification du Code de la nationalité belge.
La Cour juge que la disposition attaquée porte sur les conditions d’acquisition de la nationalité belge et relève donc de la compétence de l’autorité fédérale. De plus, la Cour considère que la disposition attaquée ne viole pas le principe de la loyauté fédérale. En effet, la disposition attaquée n’impose aucune obligation aux entités fédérées compétentes pour la politique d’accueil et d’intégration des immigrés. Il n’était pas non plus nécessaire pour l’autorité fédérale de préalablement conclure un accord de coopération ou de se concerter avec ces entités fédérées. Enfin, la Cour juge que la disposition attaquée ne crée pas de discrimination entre étrangers. Par conséquent, la Cour rejette le recours.
Arrêt n˚ 43/2021
La Cour rejette le recours contre le décret qui interdit progressivement l’usage de certains véhicules polluants en Région wallonne et qui permet d’y créer des zones de basses émissions
La Cour rejette le recours en annulation du décret wallon du 17 janvier 2019 qui, dans le cadre de la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules, prévoit l’interdiction progressive à la circulation de certains véhicules polluants en Région wallonne. Le décret permet aussi de créer, à un niveau régional ou local, des zones de basses émissions (LEZ, pour low emission zones) auxquelles l’accès de certains véhicules est restreint ou interdit.
Selon la Cour, le législateur wallon est compétent pour adopter le décret attaqué, sur la base de sa compétence en matière d’environnement. Le décret attaqué n’entraîne par ailleurs pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété des propriétaires des véhicules concernés, compte tenu de la mise en œuvre progressive de l’interdiction et des possibilités de dérogation que le décret prévoit. Enfin, le choix du législateur wallon de ne viser que certaines catégories de véhicules, dont les voitures de particuliers, est raisonnablement justifié.
Arrêt n˚ 32/2021
La Cour suspend l’interdiction temporaire et de principe pour les internés d’être entendus en personne aux audiences de la chambre de protection sociale
Six personnes internées demandent à la Cour de suspendre et d’annuler la disposition législative sur la base de laquelle, jusqu’au 31 mars 2021 (date pouvant être prolongée), la chambre de protection sociale ne doit plus entendre l’interné en personne, mais uniquement son avocat et le ministère public.
La Cour juge que l’internement, en tant que mode spécifique de détention, exige précisément que le juge qui décide du maintien ou des modalités de l’internement s’assure personnellement de l’état dans lequel la personne internée se trouve à ce moment.
Le fait que les internés ne doivent pas être entendus en personne aux audiences, même temporairement, alors que cela est crucial pour que le juge puisse apprécier correctement leur situation personnelle et leur état mental ou psychique, peut conduire à un allongement inutile de leur internement ou à un refus inutile d’une mesure sollicitée, ce qui peut leur causer un préjudice irréparable.
La Cour suspend dès lors la disposition attaquée, et prononcera un arrêt sur le fond dans les trois mois du prononcé.
Arrêt n˚ 30/2021
La Cour rejette les demandes de suspension du décret de la Région flamande validant les conditions environnementales sectorielles pour les éoliennes
Le décret flamand validant les conditions sectorielles flamandes pour les éoliennes a fait l’objet de dix requêtes en suspension et en annulation totale ou partielle.
À la suite d’un arrêt de la Cour de justice du 25 juin 2020, les permis et l’exploitation de tous les parcs éoliens existants et planifiés dont les permis renvoient aux « conditions sectorielles pour les éoliennes » étaient compromis. La validation décrétale de ces conditions sectorielles vise à écarter les conséquences négatives que l’arrêt de la Cour de justice pourrait avoir sur les objectifs belges en matière d’énergie renouvelable et d’approvisionnement en énergie.
La Cour juge que les moyens invoqués contre cette validation décrétale ne sont pas sérieux et elle rejette dès lors les demandes de suspension.
Arrêt n˚ 22/2021
La Cour annule deux dispositions du décret flamand sur le droit de la délinquance juvénile et formule plusieurs interprétations conformes à la Constitution
Dix-sept mineurs sollicitent l’annulation du décret flamand sur le droit en matière de délinquance juvénile. La Cour juge que les requérants âgés d’au moins douze ans ont la capacité d’agir devant elle, dès lors qu’ils disposent du discernement requis. En outre, le décret les concerne directement et les reconnaît comme étant des parties autonomes au procès.
La Cour constate que l’ordre des critères dont le juge ou le tribunal de la jeunesse doit tenir compte lorsqu’il impose une mesure ou sanction ne garantit pas que l’intérêt de l’enfant sera toujours primordial. Elle annule donc l’obligation de suivre cet ordre des critères.
De plus, la Cour juge que la sanction de l’encadrement en milieu fermé de longue durée pour les mineurs âgés entre douze et seize ans n’est pas assez prévisible. Laisser au tribunal de la jeunesse le soin de déterminer quand il est question de « circonstances exceptionnelles » entraîne un risque d’arbitraire et est contraire au principe de légalité en matière pénale.
La Cour rejette le recours pour le surplus, sous réserve de plusieurs interprétations conformes à la Constitution.
Arrêt n˚ 21/2021
En cas de recours devant le Conseil d’État, l’interruption de la prescription de l’action civile en dommages et intérêts doit aussi bénéficier aux personnes lésées par l’annulation de l’acte attaqué
Lorsqu’un recours en annulation contre un acte administratif est introduit devant le Conseil d’État, la prescription de l’action civile pour obtenir des dommages et intérêts est interrompue en faveur de la personne qui a introduit ce recours en annulation. Quelle que soit la durée de la procédure devant le Conseil d’État, l’action civile ne peut pas entretemps être prescrite. Les personnes lésées par l’annulation par le Conseil d’État ne peuvent cependant pas bénéficier de cette interruption de la prescription. Elles doivent encore, dans l’attente de l’arrêt et sans connaître l’issue du recours en annulation, introduire une action conservatoire devant le tribunal civil pour préserver leur droit à des dommages et intérêts.
La Cour juge que cette différence de traitement est discriminatoire. Les arrêts d’annulation du Conseil d’État valent à l’égard de tous. Selon la Cour, la différence de traitement n’est pas pertinente, compte tenu de l’objectif que le législateur poursuivait, à savoir éviter que les tribunaux civils soient encombrés avec des procédures conservatoires qui visent seulement à éviter la prescription.
Arrêt n˚ 5/2021
La Cour annule plusieurs dispositions du décret flamand relatif aux compteurs numériques
La Cour annule le maintien temporaire du mécanisme de compensation et du tarif pour les prosommateurs (ou prosumers) pour violation des règles répartitrices de compétences. Afin de limiter les problèmes administratifs considérables et les charges financières de l’annulation pour les clients, les fournisseurs et les gestionnaires de réseau, la Cour en maintient les effets pour les montants qui ont été facturés avant la publication de l’arrêt au Moniteur belge.
La Cour annule ensuite la facturation des coûts d’installation et de mise en service du compteur numérique à l’utilisateur du réseau, ainsi que la possibilité qu’un utilisateur du réseau qui empêche l’installation d’un compteur numérique soit débranché du réseau électrique sans l’avis de la commission consultative locale. Quant à la protection contre le rayonnement électromagnétique, la Cour juge que l’habilitation conférée au Gouvernement flamand doit être interprétée en ce sens que chaque utilisateur du réseau peut opter pour une communication au moyen d’un câblage au lieu d’une communication sans fil. La Cour rejette les recours pour le surplus.
Arrêt n˚ 2/2021
La loi qui impose d’intégrer des empreintes digitales sur la carte d’identité ne viole pas le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel
La Cour rejette les recours en annulation de l’article 27 de la loi du 25 novembre 2018, qui prévoit l’intégration de l’image numérisée de deux empreintes digitales sur la carte d’identité.
Selon la Cour, l’ingérence qu’entraîne la mesure dans le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel est raisonnablement justifiée par l’objectif de lutter contre la fraude à l’identité. Elle n’emporte par ailleurs pas d’effets disproportionnés sur les droits des personnes concernées, compte tenu des garanties prévues. En effet, la disposition attaquée n’instaure pas un registre central des empreintes digitales de l’ensemble des détenteurs d’une carte d’identité. Les autorités habilitées à lire ces données sont limitativement énumérées. Pour le reste, il appartient au pouvoir exécutif de prendre les mesures techniques nécessaires en vue d’assurer la sécurisation des données.
La Cour juge qu’il n’est pas nécessaire d’interroger à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne sur la validité du règlement (UE) 2019/1157, qui prévoit une mesure analogue au niveau européen, ni sur l’interprétation du droit de l’Union.
Arrêt n˚ 165/2020
L’interdiction de principe des feux d’artifice, instaurée par le décret de la Région flamande du 26 avril 2019, viole les règles répartitrices de compétences
Le décret de la Région flamande du 26 avril 2019 « portant réglementation de l’utilisation de feux d’artifice, de pétards, de canons à carbure et de lanternes volantes » interdit par principe d’utiliser des feux d’artifice, des pétards, des canons à carbure et des lanternes volantes. Les communes peuvent déroger à cette interdiction. Ainsi, elles peuvent, pour des événements exceptionnels, autoriser de tirer des feux d’artifice, de faire exploser des pétards et d’utiliser des canons à carbure, dans un nombre limité d’endroits et pour une période limitée. Cette dérogation ne vaut toutefois pas pour le lâcher de lanternes volantes.
La Cour juge que le législateur décrétal, en instaurant une interdiction de principe d'utiliser des feux d'artifice, des pétards et des canons à carbure, a réglé une matière qui relève de la compétence de l'autorité fédérale. L’interdiction absolue de lâcher des lanternes volantes, quant à elle, a pour effet d’exclure certains produits du marché, ce qui empêche le législateur fédéral d’exercer en pratique sa compétence en matière de normes de produits. Par ces motifs, la Cour annule le décret. La Cour n’accède pas à la demande du Gouvernement flamand de maintenir les effets du décret annulé. L’annulation ne porte pas atteinte à l’interdiction des feux d’artifice instaurée dans le cadre de la lutte contre le coronavirus.
Arrêt n˚ 162/2020
La Cour annule partiellement l’ordonnance qui organise le déploiement des compteurs intelligents à Bruxelles, en ce qu’elle ne protège pas suffisamment les personnes électrosensibles
La Cour rejette pour l’essentiel le recours en annulation dirigé contre l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 23 juillet 2018, qui organise le déploiement des compteurs intelligents d’électricité et de gaz à Bruxelles.
Selon la Cour, le déploiement différencié des compteurs intelligents, au bénéfice de certains utilisateurs dans un premier temps, est raisonnablement justifié. La Cour juge que l’ordonnance ne viole pas le droit à la protection des données à caractère personnel des utilisateurs du réseau. Toutefois, en ce qu’elle ne prévoit pas un régime adéquat pour les personnes électrosensibles et ne leur permet pas de refuser l’installation d’un compteur intelligent ou d’en demander la suppression, l’ordonnance entraîne un recul significatif dans la protection du droit à un environnement sain. Elle doit donc être annulée dans cette mesure. Dans l’attente d’une intervention du législateur établissant un tel régime, les personnes électrosensibles peuvent donc refuser l’installation d’un compteur intelligent ou en demander la suppression.
Arrêt n˚ 156/2020
Le législateur bruxellois n’a pas excédé sa compétence en excluant les clauses d’arbitrage conclues avant la naissance d’un différend, en matière de bail d’habitation
La Cour rejette le recours en annulation dirigé contre l’article 233, § 2, alinéa 2, du Code bruxellois du Logement. Cette disposition prévoit qu’une clause d’arbitrage convenue entre les parties à un bail d’habitation avant la naissance du différend est réputée non écrite. Selon la Cour, la réglementation de la possibilité de conclure une convention d’arbitrage est une compétence fédérale. La Région de Bruxelles-Capitale est cependant compétente pour adopter la disposition attaquée, dès lors que celle-ci est nécessaire à l’exercice de sa propre compétence en matière de bail d’habitation, que la matière se prête à un règlement différencié et que la disposition attaquée n’a qu’une incidence marginale sur la matière fédérale.
Arrêt n˚ 154/2020
La possibilité pour un avocat d’être désigné juge consulaire dans un tribunal de l’entreprise est entourée de garanties suffisantes en matière d’indépendance et d’impartialité
La Cour constitutionnelle rejette le recours en annulation de la loi du 5 mai 2019, qui réforme le statut des juges consulaires. Cette loi supprime l’incompatibilité entre la fonction de juge consulaire et la profession d’avocat, vu l’élargissement de la compétence des tribunaux de l’entreprise aux litiges relatifs aux professions libérales. La Cour juge que le cumul de la profession d’avocat et de la fonction de juge consulaire est justifié par l’objectif consistant à assurer la présence de juges consulaires ayant l’expérience professionnelle requise. Par ailleurs, le cumul est entouré de garanties procédurales suffisantes qui excluent toute crainte justifiée de partialité. Il est en outre raisonnablement justifié qu’un juge consulaire-avocat, tout comme des personnes d’autres groupes professionnels qui exercent cette fonction sur la base de leur expérience professionnelle spécifique, ne soit pas soumis aux mêmes exigences qu’un magistrat effectif.
Arrêt n˚ 145/2020
La Cour constitutionnelle rejette les recours en annulation
du décret flamand sur la location d’habitations
La Cour constitutionnelle rejette les recours en annulation du décret flamand sur la location d’habitations, introduits notamment par l’« Orde van Vlaamse balies » et par l’ASBL Chambre d’Arbitrage et de Médiation.
L’ « Orde van Vlaamse balies » critique la possibilité de porter devant le juge de paix les actions concernant les baux de résidence principale ou les baux pour le logement d’étudiants par requête unilatérale, sans que la requête doive nécessairement être signée par un avocat. La Cour juge que le législateur décrétal flamand est compétent pour ce faire. La différence de traitement qui en découle à l’égard des justiciables auxquels le Code judiciaire s’applique et qui doivent recourir à un avocat pour introduire une requête unilatérale, découle de l’autonomie qui a été conférée aux régions et à l’autorité fédérale. La possibilité dont dispose le requérant de signer lui-même la requête unilatérale ne viole pas davantage le droit d’accès au juge. En effet, ce libre choix cadre avec le but du législateur décrétal flamand de faciliter l’accès du justiciable au juge de paix, dans le cadre des litiges concernant les baux de résidence principale ou les baux pour le logement d’étudiants.
Dans son recours, l’ASBL Chambre d’Arbitrage et de Médiation s’oppose à l’exclusion de la possibilité d’arbitrage. La Cour juge que le législateur décrétal flamand est compétent pour exclure toute forme d’arbitrage pour ces litiges et qu’il n’y a pas de discrimination.
Arrêt n˚ 144/2020
La Cour constitutionnelle rejette le recours en annulation introduit contre le décret qui organise le déploiement des compteurs d’électricité intelligents en Wallonie
La Cour constitutionnelle rejette le recours en annulation dirigé contre le décret wallon du 19 juillet 2018, qui organise le déploiement des compteurs d’électricité intelligents en Wallonie. Selon la Cour, le déploiement segmenté des compteurs intelligents, au bénéfice de certains utilisateurs dans un premier temps, est raisonnablement justifié. La Cour juge par ailleurs que le décret n’entraîne pas un recul significatif dans la protection du droit à un environnement sain et qu’il ne viole pas le droit à la protection des données à caractère personnel.
Arrêt n˚ 141/2020
Les notaires qui sont médiateurs agréés peuvent être soumis à la fois aux règles déontologiques notariales en matière de médiation et aux règles générales définies par la Commission fédérale de médiation
Selon la Cour constitutionnelle, il n’est pas discriminatoire que les notaires qui sont médiateurs agréés soient soumis à la fois aux règles déontologiques du notariat, en matière de médiation, et au Code de bonne conduite de la Commission fédérale de médiation. La Cour précise que les règles déontologiques du notariat peuvent compléter ou préciser les règles de bonne conduite édictées par la Commission fédérale de médiation, sans pouvoir en diminuer les exigences.
Arrêt n˚ 118/2020
La Cour rejette le recours en annulation de la loi du 21 décembre 2018, qui confère avec effet rétroactif des habilitations au Roi en matière d’aide juridique
de deuxième ligne
La Cour constitutionnelle rejette le recours en annulation dirigé contre les articles 206, 207 et 208 de la loi du 21 décembre 2018 portant des dispositions diverses en matière de justice. Ces dispositions confèrent au Roi plusieurs habilitations en vue de la mise en œuvre de la réforme de l’aide juridique de deuxième ligne, opérée par la loi du 6 juillet 2016 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l’aide juridique. Elles sont dotées d’un effet rétroactif, afin que les arrêtés d’exécution de la loi du 6 juillet 2016, pris sans fondement légal, ne puissent pas être remis en cause. Selon la Cour, l’habilitation prévue par l’article 207 est suffisamment précise et compatible avec le principe de légalité garanti par l’article 23 de la Constitution. Par ailleurs, l’article 206 ne viole pas le droit au respect de la vie privée ni le droit à la protection des données à caractère personnel. La Cour considère enfin que l’effet rétroactif des dispositions attaquées est raisonnablement justifié par la grande insécurité juridique et l’incidence négative qu’une annulation engendrerait sur le droit d’accès au juge des plus démunis.
Arrêt n˚ 117/2020
La Cour constitutionnelle rejette les recours en annulation dirigés contre le régime de l’assistance consulaire
La Cour constitutionnelle rejette les recours en annulation partielle de la loi du 9 mai 2018 modifiant le Code consulaire. La Cour constate que ni cette loi ni la Convention de Vienne sur les relations consulaires n’octroient un droit subjectif à l’assistance consulaire et admet que cette assistance se limite à certaines situations.
La Cour admet également que l’assistance consulaire est réservée aux Belges et aux citoyens de l’Union européenne non représentés, mais précise que les réfugiés reconnus en Belgique et les apatrides résidant en Belgique doivent être assimilés aux Belges. Le fait que les Belges ayant une double nationalité ne peuvent pas toujours recourir à l’assistance consulaire dans l’autre pays dont ils ont la nationalité, n’est pas davantage inconstitutionnel.
Enfin, les postes consulaires belges ne doivent en principe pas octroyer une assistance consulaire aux Belges qui se rendent dans une zone à risque et aucune visite consulaire ne doit être rendue aux Belges qui sont détenus en prison dans l’Union européenne ou qui font l’objet d’un mandat d’arrêt en Belgique.
Arrêt n˚ 114/2020
La Cour annule partiellement la loi du 18 septembre 2017 qui vise à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi du 18 septembre 2017 relative à la
prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de
l’utilisation des espèces. Un avocat ne peut pas être obligé de transmettre à la Cellule de
traitement des informations financières (CTIF) une déclaration de soupçons lorsque son client,
sur son conseil, renonce à une opération suspecte. Il ne peut pas non plus être permis à un
tiers à la relation de confiance entre l’avocat et son client, fût-il avocat, de communiquer à la
CTIF des informations couvertes par le secret professionnel. La Cour rejette le recours pour
le surplus. Ainsi, la Cour juge que la loi attaquée n’est pas discriminatoire en ce qu’elle
s’applique aux experts-comptables et conseils fiscaux externes qui sont soumis à la loi du
22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales, mais non aux personnes qui
exercent une activité de conseil en matière fiscale et dont la profession n’est pas réglementée.
Arrêt n˚ 111/2020
La Cour constitutionnelle rejette les demandes de suspension
de la loi qui prévoit une interdiction d'exportation limitée
pour des médicaments indisponibles sur le marché belge
La Cour constitutionnelle rejette les demandes de suspension partielle de la loi du 20 décembre 2019 modifiant diverses législations, en ce qui concerne les pénuries de médicaments. Par son arrêt n° 146/2019 du 17 octobre 2019, la Cour a suspendu et annulé le régime légal précédent, qui prévoyait une interdiction de principe à l'exportation de médicaments. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, le régime actuel qu'elles attaquent ne peut pas être considéré comme identique ou similaire. En effet, le nouveau régime prévoit uniquement la possibilité d'imposer une interdiction à l'exportation spécifique lorsqu'il est constaté qu'un certain médicament est indisponible. Les parties requérantes ne démontrent pas non plus que les dispositions attaquées pourraient leur causer un préjudice grave difficilement réparable.
Arrêt n˚ 107/2020
La notification d’une décision juridictionnelle administrative doit indiquer la possibilité de recours en cassation administrative ainsi que ses formes et ses délais
Selon la Cour constitutionnelle, l’article 19, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d’État viole les articles 10, 11 et 13 de la Constitution, en ce qu’il ne prévoit pas l’obligation d’indiquer, dans la décision juridictionnelle administrative, l’existence d’un recours en cassation administrative ainsi que ses formes et délais. Dans l’attente d’une intervention du législateur, il appartient au juge a quo de mettre fin à l’inconstitutionnalité constatée en appliquant par analogie la réglementation contenue dans l’article précité.
Arrêt n˚ 104/2020
Selon la Cour constitutionnelle, l’article 30bis, § 5, de la loi du 27 juin 1969 « révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs », qui prévoit une majoration de 35 % à charge du « commettant » qui n’a pas versé à l’Office national de sécurité sociale une retenue de 35 % sur le montant des travaux effectués par un entrepreneur qui a des dettes sociales, ne viole pas la Constitution en ce qu’il s’applique indistinctement à des personnes de bonne foi et à des personnes auxquelles il n’y a pas lieu de reconnaître cette qualité. En revanche, la Cour juge que la même disposition, qui instaure une mesure de nature pénale, viole l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, et avec l’article 6 de cette Convention, en ce qu’elle ne permet pas à l’Office national de sécurité sociale ou au tribunal du travail de tenir compte de tous les éléments pertinents de la cause, notamment la bonne foi du « commettant », pour réduire le montant de la « majoration » qu’elle prévoit.
Arrêt n˚ 103/2020
Selon la Cour constitutionnelle, la condition selon laquelle une personne handicapée majeure doit avoir 21 ans pour bénéficier d’une allocation de remplacement de revenus ou d’une allocation d’intégration est discriminatoire. Les raisons qui, en 1987, avaient justifié l’adoption du critère d’âge de 21 ans, ne sont plus pertinentes aujourd’hui, compte tenu des évolutions intervenues depuis et, notamment, de ce que la majorité civile et l’âge minimal pour bénéficier du droit à l’intégration sociale sont désormais fixés à 18 ans.
Arrêt n˚ 97/2020
L’impossibilité pour les intéressés, dans le cadre d’une information pénale, de demander au procureur du Roi, qui dirige l’information, de réaliser des devoirs complémentaires, si ce n’est à titre gracieux, et, dans le cas d’une telle demande, l’absence de recours en cas de refus ou d’absence de réponse du procureur du Roi, ne sont pas discriminatoires par rapport à ce qui est prévu dans le cadre d’une instruction pénale, menée par un juge d’instruction. Elles n’entraînent pas une violation du droit à un procès équitable.
Arrêt n˚ 81/2020
La Cour constitutionnelle juge que le fait d’habiliter par voie de décret les pouvoirs organisateurs de l’enseignement officiel à interdire aux élèves ou aux étudiants le port de signes religieux, politiques et philosophiques visibles n’est contraire ni à la liberté d’enseignement, ni à la liberté de religion.
Arrêt n˚ 53/2020
La Cour constitutionnelle annule le système des activités complémentaires exonérées d’impôt établi par la loi du 18 juillet 2018 relative à la relance économique et au renforcement de la cohésion sociale. Ce système permet à ceux qui ont déjà un statut principal d’indépendant, de travailleur salarié, fonctionnaire ou de pensionné, de percevoir des revenus complémentaires jusqu’à 6 000 euros par an dans le cadre du travail associatif, des services occasionnels entre citoyens et des services via des plateformes électroniques agréées. Les prestations concernées ne relèvent pas de la législation générale sur le travail et ne donnent pas lieu à la constitution de droits sociaux. Aucune cotisation sociale ni taxe n’est prélevée sur l’indemnisation de ces prestations.
La Cour juge que le système des activités complémentaires exonérées d’impôt viole le principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination à plusieurs égards. Les personnes qui exercent les mêmes activités dans le cadre du système des activités complémentaires exonérées d’impôt, en qualité de travailleur salarié ou d’indépendant, sont en effet traitées de manière très différente, sans justification raisonnable, en ce qui concerne la législation sur le travail, le régime de sécurité sociale et la fiscalité.
Dès lors que l’annulation de la loi peut avoir des conséquences défavorables pour les personnes qui exercent une activité complémentaire non soumise à l’impôt, la Cour maintient les effets des dispositions annulées pour les activités exercées jusqu’au 31 décembre 2020. Des prestations pourront donc être fournies jusqu’à cette date sous l’actuel système des activités complémentaires exonérées d’impôt.
Arrêt n˚ 34/2020
La Cour constitutionnelle annule la loi qui prolonge la production industrielle d’électricité par les centrales nucléaires de Doel 1 et de Doel 2 jusqu’en 2025, sur la base des réponses que la Cour de justice de l’Union européenne a apportées aux questions préjudicielles qui lui ont été posées.
Selon la Cour constitutionnelle, l’adoption de la loi aurait dû être précédée d’une évaluation de ses incidences environnementales et d’une consultation du public portant sur le principe de la prolongation des centrales et sur les conséquences de cette prolongation en matière de travaux de modernisation et de sécurisation, ainsi que d’une évaluation transfrontalière. Les incidences environnementales auraient dû également être préalablement évaluées, compte tenu des incidences potentielles de la loi sur des sites protégés.
Cependant, eu égard à l’existence d’un risque grave d’une rupture de l’approvisionnement du pays en électricité, la Cour maintient les effets de la loi annulée jusqu’à l’adoption d’une nouvelle loi, au plus tard le 31 décembre 2022.
Arrêt n˚ 29/2020
La Cour rejette le recours en annulation dirigé contre la loi qui soumet les entreprises portuaires à l’impôt des sociétés. Cette loi a été adoptée à la suite d’une décision de la Commission européenne qui enjoignait à la Belgique de supprimer l’exonération d’impôt des sociétés en faveur des ports belges, au motif que cette exonération constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. La Cour précise cependant que l’assujettissement à l’impôt des sociétés ne vaut que pour les bénéfices tirés des activités à caractère économique, à l’exclusion des activités de service public exercées par les ports.
Arrêt n˚ 22/2020
La Cour constitutionnelle a été saisie d’un recours en annulation de la loi du 19 mars 2017 « instituant un fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne » et de la loi du 26 avril 2017, qui étend le système aux procédures devant le Conseil d’État et le Conseil du contentieux des étrangers.
Selon la Cour, l’obligation pour les justiciables de payer à ce Fonds un montant forfaitaire de 20 euros lorsqu’ils intentent une procédure ou en cas de condamnation pénale est justifiée dans son principe et n’entrave pas de manière disproportionnée le droit d’accès au juge. En effet, le législateur a prévu une exonération pour les justiciables qui bénéficient de l’aide juridique de deuxième ligne ou de l’assistance judiciaire.
Du fait qu’une contribution de 20 euros par demandeur ou requérant est demandée, le défendeur qui n’obtient pas gain de cause risque cependant, dans des procédures comptant plusieurs demandeurs ou requérants, de devoir payer une contribution qui dépasse largement le montant de 20 euros fixé par le législateur. La Cour annule donc les mots « par chacune des parties demanderesses » et « par partie requérante » dans les dispositions attaquées.
Arrêt n˚ 16/2020
La Cour constitutionnelle rejette les recours contre le régime des repentis, instauré par la loi du 22 juillet 2018. Cette loi permet à des suspects ou à des condamnés de donner des informations sur la criminalité lourde et organisée en échange d’une réduction ou d’une exclusion de peine.
Toutefois, plusieurs dispositions doivent être interprétées conformément à la Constitution. Il convient ainsi de tenir compte de certaines considérations de la Cour dans l’interprétation de la loi. Il s’agit de garantir, en toute hypothèse, un contrôle judiciaire effectif et le droit à la contradiction dans le régime des repentis.
Arrêt n˚ 9/2020
Selon la Cour constitutionnelle, le décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 « modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer la gouvernance et la transparence dans l’exécution des mandats publics au sein des structures locales et supra-locales et de leurs filiales » empiète sur la compétence du législateur fédéral en matière de contrôle des entreprises d’assurance, en soumettant ces entreprises à divers contrôles (avis conforme, tutelle, possibilité de désigner un commissaire spécial) lorsqu’une intercommunale ou une de ses filiales détient dans ces entreprises une participation de plus de 50 %. Par ailleurs, en retenant un double critère alternatif pour désigner les sociétés soumises à sa réglementation, le décret comporte un empiètement territorial de compétences.
Arrêt n˚ 7/2020
La loi du 23 mars 2019 instaure des règles plus sévères en ce qui concerne le recrutement des juges suppléants et leur fonctionnement, dans le cadre de recommandations du Groupe d’États contre la Corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe et du Conseil supérieur de la Justice. Les parties requérantes soutiennent que cette loi ne va pas assez loin.
La Cour constitutionnelle affirme que le cumul de la fonction de magistrat suppléant avec la profession d’avocat est entouré de garanties procédurales suffisantes qui excluent toute appréhension de partialité justifiée. Les conditions de nomination des magistrats suppléants sont par ailleurs suffisamment strictes pour garantir une justice de qualité égale. La Cour juge donc que le nouveau système des juges suppléants est conforme à la Constitution.
Arrêt n˚ 203/2019
La Cour constitutionnelle juge que le décret wallon du 18 mai 2017 relatif à la reconnaissance et aux obligations des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus est conforme aux règles qui gouvernent la répartition des compétences entre l’autorité fédérale, les communautés et les régions, sauf en ce qu’il prévoit, pour les communautés cultuelles locales, une procédure d’enregistrement des cultes non reconnus par l’autorité fédérale. La Cour juge par ailleurs que le décret n’est pas discriminatoire et qu’il ne viole pas la liberté de religion et de culte.
Arrêt n˚ 202/2019
Selon la Cour constitutionnelle, l'obligation légale d'imposer l'usage d'un éthylotest antidémarrage pour la catégorie de véhicules avec laquelle l'infraction a été commise n'est pas discriminatoire. Le législateur pouvait choisir de n'offrir au juge que la possibilité de tenir compte des besoins professionnels de la personne concernée lorsqu'il s'agit d'autres catégories de véhicules. Une telle distinction est pertinente étant donné que l'éthylotest antidémarrage constitue une limitation de la validité du permis de conduire. Le législateur a pu considérer qu’il fallait éviter, au moins pour la catégorie de véhicules avec laquelle l'infraction a été commise, que la sécurité routière soit à nouveau mise en péril. La personne pourra également continuer à utiliser la catégorie de véhicules avec laquelle l'infraction a été commise à des fins professionnelles pour autant que le véhicule soit équipé d'un éthylotest antidémarrage.
Arrêt n˚ 198/2019
La Cour rejette les recours en annulation dirigés contre les décrets wallon et flamand portant réforme du régime des prestations familiales.
Selon la Cour, le fait que le nouveau régime des prestations familiales s’applique uniquement aux seuls enfants nés à partir de l’entrée en vigueur de ce nouveau régime n’est pas discriminatoire.
La Cour juge par ailleurs que le décret flamand n’entraîne pas de recul significatif injustifié dans le degré de protection du droit aux prestations familiales, y compris pour les familles qui sont soumises à l’ancien régime et au nouveau. Selon la Cour, même si les conséquences du décret devaient être perçues comme un recul significatif pour ces familles, celui-ci serait justifié. En effet, le législateur souhaitait faire en sorte que les enfants nés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation ne perçoivent pas d’allocations moins élevées à l’occasion de la réforme, en tenant compte de l’incidence budgétaire de celle-ci. Aussi, il serait difficile, en pratique, de déterminer un régime transitoire garantissant la réglementation la plus avantageuse pour chaque famille, à chaque moment.
Arrêt n˚ 195/2019
La Cour rejette les recours en annulation dirigés contre les décrets wallon et flamand portant réforme du régime des prestations familiales.
Selon la Cour, le fait que le nouveau régime des prestations familiales s’applique uniquement aux seuls enfants nés à partir de l’entrée en vigueur de ce nouveau régime n’est pas discriminatoire.
La Cour juge par ailleurs que le décret flamand n’entraîne pas de recul significatif injustifié dans le degré de protection du droit aux prestations familiales, y compris pour les familles qui sont soumises à l’ancien régime et au nouveau. Selon la Cour, même si les conséquences du décret devaient être perçues comme un recul significatif pour ces familles, celui-ci serait justifié. En effet, le législateur souhaitait faire en sorte que les enfants nés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation ne perçoivent pas d’allocations moins élevées à l’occasion de la réforme, en tenant compte de l’incidence budgétaire de celle-ci. Aussi, il serait difficile, en pratique, de déterminer un régime transitoire garantissant la réglementation la plus avantageuse pour chaque famille, à chaque moment.
Arrêt n˚ 189/2019
Selon la Cour constitutionnelle, l’article 204 du Code d’instruction criminelle ne viole ni le droit d’accès à un juge ni le droit à un procès équitable en ce qu’il n’autorise pas le prévenu à démontrer son absence de culpabilité lorsqu’il n’a pas visé ce grief dans sa requête d’appel ou dans le formulaire de griefs, sous réserve de la survenance d’un élément nouveau.
La Cour juge en revanche que, sous peine de violer ces mêmes droits, l’article 210 du même Code doit être interprété comme autorisant le juge d’appel à qualifier d’office les faits dont il est saisi et de dire si ceux-ci ne sont pas établis[, même] lorsque la question de la culpabilité n’a pas été visée dans l’acte d’appel ou dans le formulaire de griefs.
Arrêt n˚ 185/2019
Selon la Cour constitutionnelle, l’article 204 du Code d’instruction criminelle, qui n’autorise pas le prévenu à démontrer son absence de culpabilité - à moins qu’un élément nouveau ne soit survenu - lorsqu’il n’a pas remis en cause sa culpabilité dans le document par lequel il interjette appel - ne viole ni le droit à un procès équitable ni le droit d’accès à un juge.
Cependant, pour que ces droits fondamentaux ne soient pas violés, il y a lieu d’interpréter une autre disposition législative (l’article 210 du même Code) en ce sens que le juge d’appel peut qualifier d’office les faits dont il est saisi et peut vérifier si ceux-ci ne sont pas établis. Peu importe, dans ce cas, que le prévenu qui a interjeté appel ait voulu ou non remettre en cause la question de la culpabilité lors de l’introduction de son appel.
Arrêt n˚ 138/2019
La taxe sur les comptes-titres est inconstitutionnelle parce qu’elle est basée sur des critères discriminatoires
Arrêt n˚ 135/2019
La Cour constitutionnelle pose dix questions préjudicielles à la Cour de justice concernant l’obligation de communication des données des passagers
Arrêt n˚ 99/2019
Selon la Cour constitutionnelle, la loi transgenre du 25 juin 2017 est inconstitutionnelle à plusieurs égards. En premier lieu, la loi comporte une lacune en ce que l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance est limité aux catégories binaires homme ou femme. Partant du principe de l’autodétermination, le législateur vise à permettre aux individus de mettre le sexe enregistré dans leur acte de naissance en adéquation avec leur vécu personnel. Dans cette perspective, il n'est pas raisonnablement justifié que des personnes dont l'identité de genre est non binaire soient obligées d'accepter, dans leur acte de naissance, un enregistrement du sexe sur la base du choix entre femme et homme qui ne correspond pas à leur identité de genre vécue intimement. Il revient cependant au seul législateur d’élaborer une solution en vue de remédier à l’inconstitutionnalité. La Cour annule en outre les dispositions qui rendent en principe irrévocable la modification de l'enregistrement du sexe dans l'acte de naissance et qui ne permettent un changement de prénom pour des raisons de transidentité qu’une seule fois. Une lourde procédure de retour au sexe initial devant le tribunal de la famille est, il est vrai, prévue, mais elle n'est pas justifiée eu égard aux objectifs visés. Elle discrimine les personnes dont l’identité de genre évolue dans le temps.
Arrêt n˚ 94/2019
La Cour constitutionnelle pose à la Cour de justice de l’Union européenne
deux questions préjudicielles relatives à la réglementation nationale
concernant les ouvriers portuaires reconnus
Arrêt n˚ 53/2019
Dans l’affaire relative au décret flamand qui instaure l’interdiction de l’abattage sans étourdissement, la Cour constitutionnelle pose trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne, avant de se prononcer sur le fond de l’affaire. La Cour constitutionnelle est tenue de poser ces questions, étant donné qu’un doute subsiste quant à l’interprétation et à la validité du règlement européen de 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
La Cour constitutionnelle ne peut plus se prononcer sur les recours dirigés contre le décret wallon. Ceux-ci sont devenus sans objet, étant donné que la disposition relative à l’interdiction générale de l’abattage sans étourdissement a été abrogée avant même d’avoir produit ses effets. Cette interdiction est désormais prévue par le Code wallon du Bien-être animal.
Arrêt n˚ 52/2019
Dans l’affaire relative au décret flamand qui instaure l’interdiction de l’abattage sans étourdissement, la Cour constitutionnelle pose trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne, avant de se prononcer sur le fond de l’affaire. La Cour constitutionnelle est tenue de poser ces questions, étant donné qu’un doute subsiste quant à l’interprétation et à la validité du règlement européen de 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
La Cour constitutionnelle ne peut plus se prononcer sur les recours dirigés contre le décret wallon. Ceux-ci sont devenus sans objet, étant donné que la disposition relative à l’interdiction générale de l’abattage sans étourdissement a été abrogée avant même d’avoir produit ses effets. Cette interdiction est désormais prévue par le Code wallon du Bien-être animal.
Arrêt n˚ 104/2018
Le système flamand des contrats de bail social temporaires et de l’échange d’informations en vue de la lutte contre la fraude au domicile en matière de location sociale est constitutionnel
Arrêt n˚ 96/2018
La conservation des données électroniques : la Cour constitutionnelle interroge la Cour de justice de l’Union européenne
Arrêt n˚ 91/2018
L’absence de signature d’un mandat d’arrêt par le juge d’instruction qui le décerne et l’absence de motivation de ce mandat sont inconstitutionnelles
Arrêt n˚ 77/2018
L’obligation pour des personnes qui bénéficient de l’aide juridique de payer des contributions forfaitaires à leur avocat pro deo est inconstitutionnelle
Arrêt n˚ 28/2018
Interprétation arrêt n° 148/2017 - Loi pot-pourri II
Arrêt n˚ 148/2017
La Cour constitutionnelle annule certaines dispositions de la loi Pot-pourri II
qui modifient le droit de la procédure pénale
Arrêt n˚ 103/2017
Tous les étudiants inscrits aux études de premier cycle en sciences médicales et dentaires en Communauté française qui n’ont pas obtenu, en juin 2017, l’attestation d’accès à la suite de leur programme d’études délivrée à l’issue du concours, doivent, pour poursuivre leurs études, réussir l’examen d’entrée et d’accès
Arrêt n˚ 83/2017
La Cour constitutionnelle annule la taxe flamande sur l’énergie parce que la taxe viole les règles répartitrices de compétence. En effet, il existe déjà une imposition fédérale sur la consommation d’électricité et la Région flamande ne peut percevoir une nouvelle imposition sur cette consommation. Les effets des dispositions annulées sont toutefois maintenus pour les exercices d’imposition 2016 et 2017 afin d’éviter l’insécurité juridique et les difficultés administratives et juridiques.
Arrêt n˚ 82/2017
Dans le contexte du recours en annulation de la loi qui prolonge de dix ans la production industrielle d’électricité par les centrales nucléaires de Doel 1 et 2, la Cour constitutionnelle décide de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. Cette Cour doit déterminer si le droit européen exigeait une étude d’incidences et une procédure permettant la participation du public avant l’adoption de la loi prévoyant cette prolongation. Si c’était le cas, la Cour souhaite savoir si elle serait autorisée à maintenir les effets de la loi attaquée, qui se révélerait contraire au droit européen.
Arrêt n˚ 27/2017
La TVA sur les prestations de services effectuées par les avocats jugée constitutionnelle
Arrêt n˚ 62/2016
Les recours concernant le Traité sur la stabilité ne sont pas recevables
Arrêt n˚ 18/2016
Un enfant âgé de plus de 22 ans peut encore introduire une action en contestation de paternité plus d’un an après avoir découvert que le mari de sa mère n’est pas son père biologique
Arrêt n˚ 2/2016
En cas de désaccord entre les parents ou en l’absence de choix des parents, l’enfant ne peut pas porter obligatoirement le seul nom du père.
Arrêt n˚ 153/2015
La loi qui étend l’euthanasie au mineur est constitutionnelle à condition que la responsabilité finale de l’évaluation de la capacité de discernement de ce dernier incombe au pédopsychiatre ou au psychologue
Arrêt n˚ 139/2015
A l’exception de la disposition qui règle le statut des magistrats qui avaient été nommés dans plusieurs tribunaux, la loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de l’ordre judiciaire, est constitutionnelle.
Arrêt n˚ 138/2015
La loi sur la gestion autonome de l’organisation judiciaire est constitutionnelle, à l’exception de la disposition concernant le recours que les magistrats peuvent introduire contre leur transfert
Arrêt n˚ 116/2015
Le régime de licenciement dérogatoire permanent pour les ouvriers du secteur de la construction dans la loi relative au statut unique est discriminatoire
Arrêt n˚ 110/2015
La réglementation légale sur les qualifications requises pour exercer la médecine esthétique et la chirurgie esthétique et sur l’interdiction de publicité en la matière est constitutionnelle
Arrêt n˚ 103/2015
A l’exception de la boucle administrative,
la loi sur la réforme du Conseil d’Etat est constitutionnelle
Arrêt n˚ 68/2015
La Cour constitutionnelle revoit sa jurisprudence sur l’indemnité de procédure,
eu égard au contexte juridique modifié
Arrêt n˚ 44/2015
La loi relative aux sanctions administratives communales est conforme à la Constitution, sous réserve de plusieurs interprétations mentionnées par la Cour constitutionnelle
Arrêt n˚ 34/2015
Les règles selon lesquelles un parent n’a pas le droit d’obtenir sur simple demande, non autrement motivée, une dispense pour son enfant de suivre l’enseignement d’une des religions reconnues ou celui de la morale non confessionnelle dans une école de l’enseignement officiel, violent le droit des parents de faire assurer l’enseignement dispensé par les pouvoirs publics à leurs enfants dans le respect de leurs convictions religieuses et philosophiques
Arrêt n˚ 15/2015
La Cour constitutionnelle pose à la Cour de justice de l’Union européenne de Luxembourg six questions préjudicielles sur le régime de garantie accordé à des parts du capital de sociétés coopératives agréées actives dans le secteur financier,
parmi lesquelles les sociétés ARCO
Arrêt n˚ 185/2014
La règle selon laquelle une personne qui, se trouvant en état de récidive légale, est condamnée du chef de tentative d’assassinat ne peut obtenir une libération conditionnelle qu’après avoir subi deux tiers de sa peine, contrairement à une personne condamnée dans les mêmes circonstances par la cour d’assises,
viole le principe d’égalité
Arrêt n˚ 162/2014
L’augmentation de l’impôt sur les sommes distribuées en cas de liquidation totale ou partielle d’une société (le « bonus de liquidation »)
n’est pas contraire au principe d’égalité et au respect des biens
Arrêt n˚ 103/2014
La Cour constitutionnelle envisage une rectification de son arrêt concernant le maintien des effets de sa décision
Arrêt n˚ 96/2014
La réforme de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles est constitutionnelle, à l’exception de la règle relative à la langue du diplôme du procureur du Roi et de l’auditeur du travail de Bruxelles et de leurs adjoints
Arrêt n˚ 74/2014
La boucle administrative, telle qu’elle est réglée actuellement dans le Code flamand de l’aménagement du territoire, est inconstitutionnelle
Arrêt n˚ 61/2014
Une sanction administrative fiscale prononcée définitivement empêche les poursuites pénales subséquentes pour des faits en substance identiques de fraude fiscale
Arrêt n˚ 7/2014
La Cour annule le régime fiscal de faveur pour les revenus afférents aux dépôts d’épargne dans des établissements financiers belges
Arrêt n˚ 145/2013
La Cour constitutionnelle étend l’annulation qui résulte de l’inconstitutionnalité des « charges sociales » visant à réaliser une offre de logements sociaux à d’autres dispositions du décret flamand relatif à la politique foncière et immobilière et du Code flamand de l’aménagement du territoire.
Arrêt n˚ 144/2013
La Cour constitutionnelle annule, dans le décret flamand relatif à la politique foncière et immobilière, les dispositions concernant le régime «Habiter dans sa propre région» et celles concernant les charges sociales réalisant une offre de logements sociaux.
Arrêt n˚ 143/2013
La Cour constitutionnelle suspend la loi qui instaure la fouille au corps systématique dans trois cas précis
Arrêt n˚ 141/2013
Les nouvelles dispositions fiscales anti-abus ne violent pas les règles répartitrices de compétence, le principe de légalité en matière fiscale et le principe d’égalité en matière fiscale.
Arrêt n˚ 127/2013
Le secret professionnel peut, dans certaines conditions, être rompu pour protéger des mineurs ou des personnes vulnérables, excepté par l’avocat en ce qui concerne les informations que son client lui a communiquées et qui sont susceptibles d’incriminer ce dernier.
Arrêt n˚ 7/2013
Bien que la loi « Salduz » résiste globalement au contrôle au regard des droits fondamentaux, la Cour constitutionnelle, en annulant trois dispositions et en faisant une interprétation conforme à la Constitution de deux autres dispositions, renforce la position des suspects lors des premières auditions
Arrêt n˚ 6/2013
La Cour constitutionnelle rejette les recours dirigés contre des dispositions législatives autorisant l'administration fiscale à obliger un établissement financier à lui communiquer les données d'un contribuable lorsqu'elle dispose d'indices de fraude fiscale ou envisage de déterminer la base imposable d'après des signes et indices.